Musique : Saint Pétro ressuscite Pamelo Mounka

Coup de théâtre dans l’histoire de la musique congolaise ! Le Grand Pamelo Mounka est artistiquement ressuscité. Hourra !  Le coup, on ne l’a pas vu venir. Probablement, parce que provenant d’un musicien « snipeur » embusqué en France. Saint Pétro, de son vrai nom Mbongou Pétronille, alias le Nganga Mayélè. De prime à bord, un ovni musical. Qu’il est pourtant bien loin d’être, car connu, à satiété de ses pairs et même de certains mélomanes.

Saint Pétro a bourlingué, très jeune dans quelques groupes musicaux de Brazzaville, où il a fourbi ses armes. D’abord dans l’orchestre Cogiex Stars, l’ancêtre d’Extra-Musica, au milieu des années 80. Puis, après dislocation de ce groupe, à l’aube des années 90, dans « Bana zone », orchestre qu’il monta lui-même, pendant que ses anciens sociétaires partirent créer Extra-Musica. Mais cette aventure solitaire, ne fut qu’un feu de paille, qui s’éteignit très vite.

Explosion d’un talent

Mais l’homme est résilient ! De cet échec, il fait une rampe de lancement dans l’exploration d’autres possibilités. Élevé dans un moule rythmique plutôt chaud et chaloupé, à la surprise générale, Saint Pétro, l’audacieux décide de changer de cap, pour se tourner vers des sonorités, plus douces, moins syncopées. Et ça marche ! L’homme a visiblement du flair. Ce choix improbable, presqu’à contre-courant- à l’instar de celui que fit, en son temps, le musicien Lassa Carlyhto, quittant Ok-Jazz, pour rejoindre Choc Stars- va signer son entrée dans la cour des grands. Celle des Bantous Monument, qu’il foula, sous la houlette du Président Didier Kabala, qui l’avait très tôt repéré. C’est là qu’il va se nicher, travaillant durement, à l’ombre des sommités tels que Célestin Nkouka, Edo Nganga, Gérry Gérard, José Missamou, Pamelo Mounka… qui vont le prendre sous leurs ailes. Ainsi naquit le Nganga Mayèlè, expression lingala, signifiant littéralement, en Français « docteur de l’intelligence », ou virtuose. Terme d’illustre mémoire, rappelant étrangement une légende musicale, le docteur de la guitare, Nico Kassanda.

L’explosif talent du Nganga Mayèlè va particulièrement « taper à l’œil » de Pamelo Mounka et de Gérry Gérard, visiblement fascinés. Sans pitié, ils vont le passer au crible de « toute la machinerie musicale », enrichissant son violon d’innombrables cordes, afin de le mettre au diapason de ses ambitions. Ce fut un éreintant « usinage » qui ne lui épargna rien : de la composition à l’arrangement, en passant par les instruments ou la mélodie, tout y passa. Et lui, buvant tout, comme une éponge absorbante ! Le succès ne se fit pas attendre. Et comme le succès appelle le succès, exactement comme « l’argent appelle l’argent » (Pamelo), Saint Pétro voit son appétit s’aiguiser, jusqu’à oser s’initier aux techniques du son et de la lumière, faisant de lui, l’un des artistes les plus aboutis de son époque.

Un joyau discographique

« Hommage à Pamelo », l’album que Saint Pétro vient de larguer sur le marché du disque est donc l’aboutissement naturel d’un talent qui s’est lentement sédimenté, au fil du temps. Il reprend en l’enjolivant, pour lui donner une ampleur nouvelle, une infime partie de l’œuvre de Pamelo Mounka des années 70-80. À cheval entre le vintage et le moderne, l’album en met plein les oreilles aux « gourmets » de la rumba, qui se régaleront aux rythmes magnifiquement revisités des chefs d’œuvre, tels que « Masuwa », « l’argent appelle l’argent », « amour de Nombakélé » etc. Un florilège de douze titres, s’étendant sur une bonne heure, sélectionnés aux bons soins de son manager Didier Kabala, épaulé par le producteur Anytha Ngapy, certainement, tous alléchés à l’idée d’offrir un panorama des plus bariolés de l’immense discographie de ce grand musicien, que fut Pamelo Mounka.

« Traduttore, traditore », « traducteur, traitre », dit la paronomase italienne ! Pourtant, pour une fois, l’interprète s’est refusé de trahir ! En effet, Saint Pétro a mis un point d’honneur à restituer en toute fidélité la voix de son maitre. Ce, dans toute l’étendue de sa tessiture, y compris lorsque ce dernier se plaisait à papillonner sur différents registres vocaux, entre ténor et baryton, comme dans ses infernaux duos avec Kosmos Mountouari. Une perle authentique, confectionnée de bout en bout et de main de maitre par le Nganga Mayèlè « himself », qui y a déployé toute son expertise ! Peut-on en espérer un jour, une œuvre de sa propre composition, pour parachever la symphonie ? Qui vivra verra.

Quoiqu’il en soit, carpe diem. Apprécions déjà cet opus, disponible, qui nous parait tenir du prodige. Il mérite vraiment votre oreille, pour ce qu’il est : un « joyau discographique » de réconciliation avec la rumba, de vos rêves. De surcroit tombant à un moment important, où se joue le match de son inscription au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, à l’UNESCO.

 

 

 

 

 

 

Guy Francis TSIEHELA

Chroniqueur musical

 

 

 

 

 

 

 

 

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