Gabon : Une crise politique sociale secoue le pays

Le 24 octobre 2018, restera à jamais gravé dans la mémoire des Gabonais comme le jour où ce petit pays d’à peine 2 millions d’habitants d’Afrique centrale devait sombrer dans l’abîme. Ce jour-là, le pays tout entier bruissait de rumeur sur la santé de son Président Ali Bongo Ondimba.

Alors qu’il est l’ invité du prince héritier  Mohamed Ben Salman à un forum économique des pays du sud à Ryad en Arabie Saoudite, les Gabonais apprendront bien plus tard que leur chef  a été victime d’un accident vasculaire  cérébral en marge des travaux dudit conclave. Il est évacué manu militari à Rabat au Maroc pour y subir des soins intensifs.

Depuis plus d’un an, la situation du pays est chancelante presqu’à l’image de la santé du Président encore loin d’avoir retrouvé toutes ses facultés physiques.

De la maladie d’Ali à la guerre des clans

Affaibli par la maladie, Ali Bongo Ondimba est resté longtemps en retrait  de la scène politique de son pays. Et comme la nature a horreur du vide, le premier cercle du pouvoir conduit par le directeur de cabinet présidentiel Brice Laccruche Alliangha, s’est hissé en messager officiel du Chef de l’État contre l’avis  de la vieille garde du Parti Démocratique Gabonais au pouvoir depuis plus de 40ans.

Le Franco-Gabonais , Brice Laccruche Allianga est devenu en moins de deux ans de plein exercice de ses fonctions le « faiseur de roi » du sommet de l’exécutif. Les détracteurs du « DC » d’Ali Bongo, par ailleurs président fondateur de l’association des jeunes volontaires émergents, lui attribuent des postures présidentiables. Ils le voient derrière des actes et décrets pris en conseil des ministres présidé sous habilitation express du Vice-Président de la République d’alors, Pierre Claver Maganga Moussavou, lui-même limogé de ses fonctions le 21 mai 2019 par décret présidentiel.

Mais indifférent à toutes les attaques dirigées contre lui, le directeur de cabinet d’Ali Bongo Ondimba fait  nommer  ses plus proches alliés dans le gouvernement et au sein de la haute administration. Tous les remue-ménages intervenus au premier semestre de l’année 2019 s’opèrent pendant que le président du Gabon poursuit sa convalescence au Maroc. Le partage du « gâteau » profite bien plus aux proches de Brice Laccruche Alliangha, au détriment l’élite politico- administrative du parti au pouvoir, le PDG (Parti Démocratique Gabonais). C’est le début de la guerre des tranchées .

 

Haro à l’imposture

Si les cadres du PDG n’osent pas publiquement dénoncer  l’imposture au sommet de l’État par solidarité de groupe, mais des voix à peine audibles du même camp se lancent par des diatribes pour dénoncer, les tentatives d’accaparement du pouvoir par la nouvelle aristocratie du directeur de cabinet présidentiel Brice Laccruche Alliangha. À  leurs  grincements de dents, s’ajoute la pression politique de l’opposition et d’une partie de la société civile. Tous de concert exigent la vacance de pouvoir, constatant l’incapacité supposée du chef de l’État  à reprendre le contrôle du pays. Un vœu pieux, car toutes les procédures engagées par le collectif agir pour le Gabon auprès de la justice gabonaise pour réclamer une expertise médicale neutre, devant statuer sur l’aptitude d’Ali Bongo Ondimba à poursuivre ses missions à la tête du Gabon se sont soldées par une fin de non-recevoir. « La juge de la cour d’appel qui a pris ses responsabilités pour qu’il y ait un débat contradictoire, a été suspendue. La procédure n’est donc pas allée jusqu’à son terme. Elle a été interrompue. Pourquoi ils ne veulent pas aller au fond de l’affaire s’ils n’ont rien à se reprocher », interroge Marc Ona Essangui membre du collectif Appel à agir.

Les services du Président gabonais l’ont martelé à plusieurs reprises : Ali Bongo tient parfaitement les rênes du pays. Ceux qui soutiennent le contraire sont des habitués aux coups d’éclats médiatiques et à la propagation de rumeurs dans la presse et sur les réseaux sociaux, affirmait le porte-parole de la présidence de la République gabonaise, Jessye Ella Ekongha.

Les observateurs avertis de la scène politique n’ont de cesse de parler à leur tour de la gestion chaotique de l’État par l’entourage d’Ali Bongo Ondimba. Ils en veulent pour preuves, selon eux, les non-dits sur les dessous de la tentative de putsch du 7 janvier 2019 lorsqu’un groupe soldats de la garde républicaine lançait un appel quasi insurrectionnel à la population pour mettre un terme au régime en place. Une situation née de la mauvaise communication de l’exécutif sur la santé du Président Gabonais.

Les conséquences d’un État absent

Les scandales politico-économiques se sont enchainés dans le pays.

Deux exemples reviennent avec force. Les détournements de 354 containers saisis du Kevazingo et qui ont disparu mystérieusement du Port d’Owendo. Une affaire en valeur chiffrée à plusieurs milliards de francs Cfa et dont le parquet de Libreville s’était employé à faire tomber les masques. À l’arrivée, quelques menus fretins arrêtés, de gros bonnets présentés comme les cerveaux du fameux trafic du bois précieux, juste démis de leurs fonctions. Un dossier classé désormais sans suite.

La crise de confiance entre la classe dirigeante et les citoyens est telle qu’à présent même l’opération anti-corruption en cours dans le pays n’emballe pas grand monde. Elle a certes le mérite d’avoir conduit à l’emprisonnement de l’ancien directeur de cabinet et une dizaine de ses fidèles, accusés tous de détournements de deniers publics. Cependant, cette même crise de confiance vient de relancer un front de revendications sociales porté par les organisations syndicales.

Actuellement en discussion avec le gouvernement, ces syndicats veulent le rappel des arriérés de solde, les postes budgétaires pour les milliers de leurs membres en attente d’intégration à la fonction publique et plus de clarté sur le nouveau code de travail en République gabonaise. Ce document est qualifié par les partenaires sociaux comme une chape de plomb pour le salarié, privé du recours à l’inspection du travail en cas de licenciement pour des raisons économiques entre autres.

Le Gabon donne l’impression d’être assis sur un volcan.

Marcellin Nze Moussavou

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