Namibie : « Fishrot » le scandale de corruption qui éclabousse le pays  

 

D’importants hommes politiques et hommes d’affaires du pays sont accusés d’avoir mis en place des méthodes pour prendre le contrôle de précieux quotas de pêche, à l’instar de ceux détenus par la société publique Fishrot. Ils auraient détourné ces quotas vers la société de pêche islandaise Samherji en échange de pots-de-vin. 

Le scandale financier intitulé « Fishrot Files » qui tire son nom d’une publication de Wikileaks en 2019, s’étend de la Namibie à l’Islande, impliquant des ministres du gouvernement et portant sur au moins 20 millions de dollars. Les charges retenues contre les suspects exposées dans un acte d’accusation de 144 pages sont: le racket, la corruption, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. 

Des quotas de pêche bon marché 

L’affaire Fishrot éclate pour la première fois en novembre 2019, lorsque WikiLeaks partage plus de 30 000 documents – dont des courriels de l’entreprise, des contrats, des présentations et photos – divulgués par Johannes Stefansson, un ancien responsable de Samherji en Namibie.  

D’après lui, l’entreprise s’est entendue avec un groupe de personnalités influentes pour avoir accès aux quotas de pêche à un prix inférieur à celui du marché.  

Dix suspects, dont l’ancien ministre de la pêche Bernard Esau et l’ex-ministre de la justice Sakeus Shangala, en auraient bénéficié. Ils sont également accusés d’avoir manipulé un accord de coopération bilatéral avec l’Angola pour détourner davantage de quotas vers Samherji. Tous les accusés, dont certains sont en détention depuis plus de trois ans, nient leur implication dans ce scandale. Les responsables de Samherji, l’une des plus importantes entreprises d’Islande, ont également indiqué ne pas être impliqués dans cette affaire.  

Il faut noter qu’avec près de 1600 km de côtes dans l’Atlantique Sud, la pêche est l’une des principales industries de la Namibie. Elle représente 20 % des recettes d’exportation du pays. Et depuis l’éclatement de cette affaire, ce secteur dans son ensemble a connu d’importants bouleversements. De nombreux emplois ont disparu et des recettes publiques ont baissé.  

Un énorme préjudice pour les populations 

Le nouveau gouvernement, dirigé par le mouvement de libération devenu parti politique, la Swapo (Organisation populaire du Sud-Ouest africain), a adopté une politique de « namibianisation », en accordant des droits de pêche aux citoyens du pays et en obligeant les étrangers à participer à des co-entreprises pour avoir accès aux ressources. Des droits sur les différents types de poissons en mer sont accordés pour des périodes prolongées de 10 à 15 ans à des entreprises namibiennes ou détenues majoritairement par des Namibiens. Mais il s’agit en théorie, le plus souvent d’entreprises qui n’existent que sur le papier, souvent détenues par des personnes qui n’ont aucune connaissance de la pêche et aucune infrastructure, et dont l’objectif est de s’enrichir en comptant également sur des relations aves les personnalités politiques. 

Samherji a toujours nié les allégations de corruption. Lorsque le scandale a éclaté, elle a chargé un cabinet d’avocats norvégien pour mener l’enquête. À la suite du rapport de ce cabinet, la société publié une déclaration dans laquelle elle reconnaît l’existence du problème tout en affirmant qu’il n’y a pas eu de corruption.  

L’affaire Fishrot a été qualifiée par Helgi Seljan, journaliste d’investigation islandais de « cas classique de pillage des caisses de l’État ». D’après lui, Samherji n’a versé que la moitié des recettes de la pêche à l’État, le reste étant allé dans les poches des « requins » véreux.

Il faut noter que l’industrie de la pêche namibienne avait été restructurée à l’indépendance du pays afin que ses recettes profitent à la population, en particulier aux pauvres, ce qui fut le cas jusqu’à ce que des escrocs fassent main basse sur le secteur. Helgi Seljan note qu’en Islande, le gouvernement a rapidement réformé le secteur de la pêche après le scandale Fishrot, de manière à le protéger de toute nouvelle corruption.

La rédaction

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