Musique : Extra Musica Nouvel Horizon met les femmes à l’honneur

« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». Cette pensée de Pierre Corneille généralement employée à l’égard des humains, pour découpler l’âge de la performance, pourrait tout aussi bien s’appliquer aux organisations humaines. Tel est l’enseignement que l’on peut tirer de la courte trajectoire de l’orchestre « Extra- Musica Nouvel Horizon (NH) ».

Fraichement sorti émoulu, au crépuscule de l’année 2019, cet orchestre a réussi à s’imposer dans le « dense univers musical congolais », grâce à son savoir-faire et à son dynamisme. Le titre de son futur album « VISION », actuellement au studio, trahit les ambitions d’un groupe audacieux, tissant sa toile, pour s’élancer à la conquête du monde, dans un contexte d’exacerbation de la concurrence et de numérisation du secteur.

Après « Choc », leur premier album, sorti précocement fin de l’année 2019, Extra- Musica NH gratifie aujourd’hui le public d’un clip vidéo « Il faut danser comme ça », extrait de la compilation « Dear mama », sous le prestigieux label « Universal Music Group », appartenant au groupe français Vivendi.

Sorti, quasiment en sourdine, le 8 mars dernier, jour de fête de la femme, en plein confinement, « Il faut danser comme ça » est un hommage qui est rendu à la femme, dans toute sa plénitude. Les circonstances de l’époque n’ayant permis d’assurer sa promotion, le moment est venu pour le faire.

« Il faut danser comme ça » est un clip-show, en rupture complète avec la structure habituelle de la rumba congolaise, généralement agencée, en couplets-refrains-sébènes. Les « sébènes » étant la partie dansante, dominée par l’expression instrumentale, adossée le cas échéant aux cris des animateurs, les « atalakus ». Ce que nous appelons familièrement « le chauffé ». Ici donc, point de préliminaires, on rentre de plain-pied dans le dur du spectacle, dans les sébènes, quitte d’ailleurs à décevoir les amoureux de la rumba, renvoyés, sans états d’âme aux calendes grecques !

La technique au service de l’art

Le clip est de bonne facture technologique et scénographique, avec des images de bonne résolution, témoignant s’il en était encore besoin de la professionnalisation du groupe. Marqué par la thématique de la femme, qui en constitue le fil rouge, il met la femme à l’honneur d’entrée de jeu, dans ses multiples fonctions reproductives et de stabilisation de la société. Cette dernière se présentant dans sa tenue africaine, en pagne, auréolée des symboles du travail émancipateur, que sont, en l’occurrence la machine à coudre et la corbeille sur la tête.  « Éduquer la femme, c’est éduquer toute une société », semble nous rappeler ce clip !

Par-là, nous est aussi subliminalement renvoyée l’image du foyer, constitué de trois pierres, servant bien sûr de socle à la marmite nourricière, mais bien au-delà, symbolisant la famille, et tout l’imaginaire qui l’entoure, dans les sociétés bantoues, notamment.

Fruit d’un effort de recherche, ce clip force l’admiration dans son concept même, qui réussit à instaurer l’harmonie parfaite entre le thème et les images, entre la forme et le fond. En suivant le clip, la première impression qui frappe est celle d’une atmosphère incandescente, tonique et presque fougueuse. En véritable chef de guerre, on voit l’animateur Zaparo de guerre- ça ne s’invente pas – monter au front, dans des postures et cris martiaux, ne laissant aucune chance à son ennemi putatif. Le trio infernal qu’il forme avec le drummer Ramatoulaye et le soliste Sonor Digital produit des notes d’une rare richesse rythmique.

Scénographie et chorégraphie, de type « show », sont délibérément volcaniques, avec des effets spéciaux de vapeur et des uniformes savamment sélectionnés, pour être en phase avec la trépidation des rythmes. La chorégraphie qui est vraiment de bonne tenue, s’illustre par une unicité d’action quasiment robotique.  Au final, l’effet visuel hypnotise, par la magie des jeux de lumières dignes des meilleurs films hollywoodiens, rappelant pour le coup, la filiation entre l’art scénographique et l’art cinématographique.

On se trouve-là à mille lieux des soporifiques « chansons filmées », dépourvues de créativité, qu’on sert banalement au public, à longueur de journées. L’instrumentation est tout à l’avenant, avec un Sonor Digital, manifestement au sommet de son art, d’où il délivre de ses « cordes pincées » des sonorités endiablées, comme il en a le secret.

Le clip souffre néanmoins de quelques faiblesses du point de vue du décor, marqué par endroits d’une certaine monotonie des cadres. Quand ils sont multicolores, comme ce plancher « en dame » et les murs, rapportés aux uniformes eux-mêmes déjà bariolés, ils peuvent saturer la vue. Une plus grande variation de ceux-ci aurait été un atout, pour éviter, par exemple cette fixité de l’image, montrant un Kasoumbalessa, certes sublime, mais redondant sur le plan spatio-temporel.

De plus, les sonorités semblent cruellement manquer de notes graves, lesquelles participent pourtant de l’ADN de ce groupe, depuis sa genèse, laissant du coup prédominer les aigus, avec la fâcheuse impression d’une musique squelettique, attribuable à une défaillance de mixage.

Un orchestre, socialement engagé ?

Dans la perspective de la future sortie de leur prochain album « VISION », le groupe vient, nous semble-t-il de commettre un bon coup marketing, en montrant sa sensibilité aux causes sociétales, en l’espèce, la cause féminine. Il faut reconnaitre à ce groupe sa propension à donner de l’écho à ces genres de causes. Souvenez-vous qu’Il s’était déjà illustré dans la lutte contre le covid 19, au travers de campagnes de sensibilisation, menées-tambour battant, auprès des populations. D’ailleurs, ce combat trouve son prolongement dans ce clip, où certaines séquences montrent les musiciens masqués. Tout récemment, Extra-Musica NH s’est encore illustré dans la lutte contre la sédentarité, responsable des maladies métaboliques et cardiovasculaires, en organisant des marches sportives.

Tout compte fait, du point de vue artistique, ce clip est une réussite, par sa bonne qualité technologique, son concept et sa thématique. De sa promotion dépendra sa capacité à déblayer le chemin au prochain opus « VISION », dont il est quelque part le précurseur, sachant que celui-ci constitue une étape décisive sur la route du « Nouvel Horizon ».

Guy Francis TSIEHELA

Chroniqueur  musical

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