Lutte contre le covid19 : Déconfinez-vous en musique !
Les bouleversements engendrés par le fléau du coronavirus au sein de nos sociétés les menacent. Pour se préserver celles-ci sont obligées de se défendre. Médicalement dans l’urgence bien sûr, mais aussi, plus prosaïquement par le questionnement, sur le long terme, pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette catastrophe mortifère. Avec en perspective, de possibles remises en cause. Un exercice d’humilité qui est loin d’être une sinécure !
Convoqués donc en urgence par la minuscule et invisible bête, les Hommes ont cessé toutes affaires pour déférer, en s’alignant sur un agenda étranger, de surcroit de funestes desseins ! Assignés en confinement, à résidence par l’insolente bête, les Hommes – sauf éventuellement ceux qui font du télétravail – en sont venus à perdre tout repère. Conséquence, ils se retrouvent à gérer des situations inattendues, comme ce temps libre-forcé (pardonnez l’oxymore), qu’ils doivent désormais meubler, pour enrayer l’oisiveté, dont on connait les effets délétères sur le bien être moral et somatique.
Décompresser en musique
C’est dans ce contexte de recherche de compensation et/ou de résilience, que plusieurs activités, par effet d’aubaine, voient leur audience sociale flamber. Ainsi de la musique, portée au pinacle par le disc-jockey ou platiniste, fait l’objet de toutes les sollicitudes, plus que d’ordinaire. La musique est « mangée » à toutes les sauces, pour décompresser. Posons-nous, pour essayer de comprendre.
La compréhension n’est pas aisée parce que les « voix » de la musique sont insondables ! Mettant en scène des notions aussi volatiles qu’impondérables, comme les sentiments, les émotions, la musique parait nimbée d’une sorte de magie. D’où toute la difficulté de la définir précisément. En essayant, nous pouvons la définir comme « l’art qui permet à l’Homme de s’exprimer par l’intermédiaire de sons, qui sont combinés de façon à être harmonieux, pour flatter l’oreille ». Cette combinaison les inscrivant dans un statut d’œuvre d’art, différent du simple bruit ou du vacarme, qui sont eux aussi des « sons », mais dépourvus d’une finalité voulue d’avance : le plaisir.
Le plaisir des sens est donc la constante qu’on va retrouver dans toutes les approches de la musique. Il est l’élément « divertissant » qui jouera pour que, l’auditeur, emporté par l’émotion, en vienne à perdre pratiquement pied, pour se retrouver dans des dimensions quasi-éthérées ! À l’extrême, des phénomènes de transe peuvent même advenir. De là découle le pouvoir exorcisant et évadant de la musique, qui en fait une fenêtre d’épanouissement ouverte vers ailleurs, à l’instar d’un voyage. Lequel voyage, en opérant comme un exutoire, va nous emporter vers un autre ciel, le temps de l’écoute. Et dans ces dimensions-là, tout devient possible. Par exemple la tangibilité du temps. Il paraît que le temps passé ne revient plus. Ici, cela n’est pas vrai. Car, grâce à la magie de la musique, il devient possible de remonter le temps… en souvenirs !
C’est sur cette vertu-là de la musique, que les populations enfermées, cloisonnées, vont pouvoir miser pour espérer voir s’adoucir la dureté ambiante des temps et de l’espace. La musique adoucit les mœurs a-t-on coutume de dire. Si cela est déjà vrai en temps normal, a fortiori le sera-t-il en ces temps troubles. Certaines opinions allant jusqu’à lui prêter des propriétés thérapeutiques, dans sa forme la plus élaborée, qu’est la musicothérapie. Dans un autre avatar, on la retrouvera sous le doux visage de « berceuse », où elle servira à favoriser l’endormissement.
La musique pour apaiser les tensions sociales
Avec la distanciation sociale et l’immobilité nécessaires à la lutte contre la propagation du covid-19, les risques d’exacerbation des tensions sociales sont réels. En effet, le temps passé en activité extérieure fait respirer les familles, en ouvrant des parenthèses dans leur quotidien. Une respiration supprimée en période de confinement, où les couples et leurs enfants se « frottent » à longueur de journée, voire de soirée, parfois dans une promiscuité irrespirable. Dans cet étouffement, la moindre incompréhension suffit à mettre le feu aux poudres. Les chiffres publiés en France dans les différents baromètres mesurant les violences sociales le confirment formellement. Après à peine une semaine d’instauration du confinement, on a observé une augmentation du taux de signalement des violences conjugales de 32%, en zone gendarmerie et de 36%, en zone préfecture de la police de Paris. On évoque même des risques de« flambées » de divorces. En Afrique, où les populations vivent habituellement dans des espaces plus grands, nous pouvons espérer que cela se produise moins.
Puisant leur inspiration dans la société, les disc-jockey ont capté la détresse en cours. Ils réagissent, en apportant à domicile, un peu de légèreté dans ce monde de « brut », de plus en plus générateur de stress et d’anxiété. Ils le font avec l’avantage de la portabilité, garantissant l’immobilité au public. Ce que l’aphoriste américain Mason Cooley, que nous avons paraphrasé avait perçu : « La musique nous offre un endroit où aller, lorsque nous devons rester où nous sommes ». Des soirées d’animation musicale, diffusées en « direct» sur les réseaux sociaux, notamment Facebook sont proposées. Ces « live » qui connaissent des audiences de folie, jusqu’à des heures tardives, sont devenus des rendez-vous incontournables pour quelques publics, dont certains sont carrément tombés dans l’addiction. Comment, en effet ne pas en profiter, lorsqu’on peut ainsi gratuitement (sous réserve du respect des droits d’auteur) s’évader par la magie des émotions : joie, nostalgie, souvenirs… ? Le tout dans une ambiance festive virtuelle et de ferveur introuvables, en vrai, du fait de l’interdiction des rassemblements. Pour l’instant, ces disc-jockey, sont à peine une poignée, dont Djo SGrave, Dj Gypson, Teck one, bien connus sur la place de Paris. Ils se partagent ce « marché » publicitaire émergent, avant l’éventuelle arrivée de concurrents.
Plus que de révéler l’utilité de la musique, qui est déjà bien établie, ce phénomène révèle plutôt celle du disc-jockey, du moins dans l’un de ses aspects encore inexplorés. Il se présente ici comme un artiste à part entière, qui à partir de matériaux existants et grâce à sa créativité, va produire une œuvre originale. Solidaire, le disc-jockey n’hésite pas à mettre sa notoriété dans la balance, pour relayer des messages de vertu, comme il le fait actuellement à propos des mesures barrières. De cet épisode, la profession sortira certainement grandie, parce que, le regard porté sur elle par la société aura changé, comme devra également changer la société elle-même, si elle veut survivre.
Guy Francis Tsiehela
Chroniqueur musical.