Chronique: l’Afrique doit se réinventer en renouant avec ses acquis ancestraux
Quand est-ce que l’Afrique va produire un scientifique reconnu mondialement ?
Le Nigérian Philip Emeagwali, que beaucoup ont surnommé le « Père » de l’Internet aurait pu l’être. Malheureusement, le contenu africain sur Internet représentait un maigre 0,4 % du contenu mondial il y a quelques temps. Et si l’on exclut la contribution de l’Afrique du Sud, ce chiffre n’était que de 0,02 %. Les Africains font partie du village mondial, mais alors que les « coopératives » de villageois des Tigres asiatiques assemblent des ordinateurs pour les exporter en Afrique, leurs homologues africains réparent les routes poussiéreuses dans le cadre de programmes « nourriture contre travail ».
Les efforts de développement du continent n’ont pas permis de progresser car, la réponse a souvent été politique. Il ne fait aucun doute que les dirigeants politiques ne mettent pas suffisamment l’accent sur l’éducation dans la plupart des pays africains, corrompant parfois des érudits pour en faire des larbins politiques. Les médias n’ont pas aidé non plus, les politiciens, les footballeurs faisant les gros titres tandis que les inventeurs, les scientifiques et les technologues restent largement anonymes.
Un système éducatif à rénover : l’exemple du Burkina Faso
En 2011, lorsque Albert Ouédraogo, a été nommé à la tête du ministère de l’enseignement secondaire et supérieur du Burkina Faso dans le gouvernement de Luc Adolphe Tiao, il a déclaré vouloir sortir l’éducation – et les universités en particulier – du marasme dans lequel elle était. La situation était en effet problématique. Au Burkina Faso, deux tiers de la population est analphabète. Le Programme national d’accélération de l’alphabétisation (Pronaa) 2011-2015 a été lancé dans un climat où l’abandon scolaire était important (plus de la moitié des élèves ne terminent pas le cycle primaire). L’accès à l’enseignement secondaire est limité… sans parler de l’enseignement supérieur : « Sur 100 élèves du primaire, 25 passent au secondaire et un seul atteint l’Université », d’après l’Université de Ouagadougou.
Certains diplômés de l’enseignement supérieur au Burkina Faso ont plus de difficultés à trouver un emploi que ceux formés au Maroc, en Algérie ou au Sénégal. Ceux qui ont étudié en Europe ou en Amérique sont encore mieux lotis. Un chef d’entreprise explique : « Dans des domaines tels que l’environnement, la construction, l’industrie, la comptabilité, la banque ou l’assurance, les entreprises internationales vont chercher l’expertise de ceux qui ont été formés en France ou en Occident, ou de ceux qui sont diplômés d’écoles internationales établies au Burkina. Ces dernières disposent d’infrastructures d’enseignement et de recherche efficaces, mais les frais de scolarité sont élevés ».
Une évolution lente
Un rapport de l’Unesco publié en 2017 nous indique qu’en comparaison à d’autres pays africains à niveaux de revenus semblables, la dépense publique consentie par élève de l’enseignement primaire publique au Burkina est l’une des plus élevée, si on tient compte du revenu par habitant. Cela se traduit malheureusement par une proportion significative d’élèves se situant en dessous du seuil suffisant de compétences en langue et en mathématiques et ne disposant donc pas des pré-requis nécessaires par rapport à leur niveau.
Ceci s’explique en partie par le fait que, sur le continent Africain, les ressources nécessaires à un enseignement de qualité ne sont pas suffisamment mobilisées. Par ailleurs, il existe une grande disparité entre le contenu des cours enseignés d’une classe ou d’une école à l’autre. Outre les problèmes structurels, l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora a aliéné les Africains qui ont renoncé à répondre à leur vocation et ont défini leur conscience entièrement par rapport à l’autre, s’interdisant ainsi d’être eux-mêmes. L’Afrique doit désormais remplacer son modèle éducatif basé sur la négativité et l’interdit, par un modèle autorisant l’individu à puiser dans ses savoirs ancestraux et à être soi-même.
En renonçant à transmettre les savoirs et acquis ancestraux qui pourtant valorisent l’Afrique en tant que continent à la base des connaissances universelles de l’humanité, le continent se dirige vers la « précarisation » systématique de sa jeunesse et de son peuple.
Thierry Rayer
Président du Cercle d’Etudes Scientifiques Rayer