Cameroun : L’alcool, un instrument de lobotomisation des consciences ?
Au Cameroun, l’alcool fait des ravages. Certains observateurs parlent même d’un instrument de lobotomisation des consciences.
À l’époque dans ce pays d’Afrique centrale, l’expression « saoul comme un polonais » désignait un homme ivre s’étant illustré dans une prise immodéré d’alcool. Aujourd’hui, comparés aux ivrognes de haut vol du Cameroun, les Polonais ivres apparaissent comme des sobres. Les Camerounais consomment de l’alcool comme des éponges, à tout âge, sans distinction de sexe ni de catégorie sociale. On pouvait penser à un moment donné que c’est parce qu’ils sont gagnés par le fatalisme et le désespoir qu’ils se ruent ainsi dans l’alcool, dans l’espoir d’y noyer leurs soucis, y trouver un refuge et un réconfort. En réalité, rien de tout cela. Mieux que noyer leurs soucis, apparaissant comme de grands noceurs devant l’éternel, les Camerounais ont suffisamment montré tout leur amour pour l’alcool. Et, comme du pain béni à leur yeux, il n’en fallait pas plus au pouvoir pour qu’il s’en saisisse, à son bénéfice propre. À l’image donc des envahisseurs qui, entre autres procédés, avaient utilisé l’alcool et les produits alimentaires sucrés pour détruire les Amérindiens (en Amérique) , les Aborigènes (en Australie) et les Maoris (en Nouvelle Zélande), les autorités camerounaises ont ainsi opportunément procédé à une libéralisation sauvage du secteur de la production et de la vente des boissons alcoolisées.
Libéralisation sauvage
Le nombre de débits de boissons alcoolisées que l’on rencontre au km2 dans de nombreuses régions du pays est hallucinant. Les Camerounais consomment de l’alcool de façon continue et sans modération. Ils ont la tête si profondément plongée dans les breuvages qu’ils en perdent toute lucidité et le simple bon sens. Exemple, au moment où les autorités de Yaoundé ( en connaissance de cause sans doute) ont brutalement desserré les mesures de restrictions prises par rapport au Covid-19, renvoyant ainsi les citoyens pratiquer leur sport favori, celui de la consommation abusive de l’alcool, dans les débits de boissons et autres gargotes, la décision, de manière surréaliste, a été ‘’saluée’’, voire ‘’fêtée’’ par les nombreux disciples de Bacchus, aux consciences totalement euthanasiées, inhibées, lobotomisées par les alcools. On parle régulièrement au Cameroun d’un pouvoir qui a lobotomisé les consciences des populations mais sans vraiment éclairer davantage sur les procédés. Et si finalement l’alcool en était un ? D’autant plus qu’au cœur de cette consommation gargantuesque, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, à cause notamment de l’absence d’une règlementation stricte dans le secteur. Qui peut d’ailleurs affirmer, de manière péremptoire, que les intrants qui se retrouvent dans les compositions des bières provenant des industries brassicoles locales sont sans danger ? Qui peut jurer qu’il n’y a pas d’autres composantes dans ces bières, celles-là qui n’apparaissent pas formellement sur les étiquettes comme les autres, avec en filigrane des objectifs inavoués ?
Les conséquences désastreuses
Quant aux boissons fabriquées de façon artisanale, entre autres : Matango, Odontol, Fofo, Kwata, Bilibili…elles le sont dans des conditions d’hygiène douteuse, avec des alchimies invraisemblables, lesquelles débouchent parfois sur de foudroyantes teneurs en alcool dont on ignore les degrés. C’est encore pire pour les boissons importées, les vins et surtout les liqueurs, régulièrement frelatées. Les consommations incontrôlées de tous ces alcools provoquent régulièrement de graves crises sociales (décrochages professionnels) et drames familiaux ( violences, meurtres…) chez les uns et les autres. Les Camerounais meurent beaucoup, d’accidents de circulation, d’AVC, de très courtes maladies, de morts subites, et ne se rendent jamais compte que c’est la consommation excessive de l’alcool qui en est la cause principale ou le facteur aggravant. En revanche, cela fait plutôt le bonheur des industries brassicoles et celui de tous les autres fabricants de boissons alcoolisées qui prospèrent de façon continue, y compris en temps de crise économique persistante.
L’opium qui endort les populations
Que dire alors de ce qu’en tirent comme bénéfices les pouvoirs publics ? Des populations lobotomisées. Parce qu’au final, cet amour immodéré pour l’alcool apparait comme un opium qui endort les populations, euthanasie leurs consciences, tue leur sensibilité ainsi que leur lucidité et les rend aveugles, moins regardant vis-à-vis des errements, de l’incurie et de l’incompétence criarde des gouvernants.
Alain Bengono