Cameroun: gestion des fonds Covid, un audit à tête chercheuse ?

Depuis quelques jours la gestion des fonds Covid par certains ministères tient en haleine le paysage médiatique et politique du Cameroun. Un audit pourtant demandé, par le Fond Monétaire International ( FMI) , afin que le pays puisse donner des précisions sur l’utilisation des sommes mises à sa disposition pour faire face à la pandémie. Une fuite du document a été organisée dans les réseaux sociaux et les journaux. Conséquence, trois ministères ont été jetés au lynchage médiatique et à la vindicte populaire : Santé,  Recherche scientifique et Commerce. Une opération savamment orchestrée juste le jour où les deux premiers ont été entendus devant le Tribunal Criminel Spécial ( TCS ) de la ville de Yaoundé la capitale du Cameroun. Pourtant, indique le rapport, plus d’une vingtaine de ministères ont été audités. Seuls les deux premiers cités sont consignés dans ce rapport d’audit. Dans quel but et à quel dessein? Est-ce un règlement de compte ?  Y a-t-il un agenda caché ?

Un rapport incomplet

Au demeurant , dans l’échange de courriers au mois d’Avril dernier, entre le Secrétaire Général de la Présidence de la République et le Garde des Sceaux, ce document n’avait jamais été transmis au second pour une enquête. De plus, ce rapport d’audit de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême du Cameroun est un document d’étape qui n’est pas définitif,  voire complet. Et ce ne sont pas les seuls ministères à avoir reçu les fonds pour lutter contre le Covid 19. Au total 24 ministères ont perçu cet argent, certains n’intervenant pas dans la filière de la santé, comme l’enseignement supérieur ,le ministère de l’agriculture, le ministère  de la pêche et des industries animales, le ministère des affaires sociales, le ministère des mines de l’eau et de l’énergie, le ministère des forces armées. Et la liste n’est pas exhaustive.  Plus flagrant ce document n’est pas signé encore moins ne porte la mention de son commanditaire.

 

 

Cependant, il y a lieu de préciser que ce rapport d’étape ne fait que des recommandations, comme c’est toujours le cas. Il revient au commanditaire de l’audit de les transmettre à la justice aux fins d’enquêtes en vue de probables inculpations. À ce stade «précipité » devant le tribunal criminel spécial, il s’agit d’une phase de prémices et d’indices de détournement de denier public pouvant faire l’objet d’éventuelles poursuites judiciaires. Toutes les personnalités entendues vont apporter des éléments contradictoires. Ceci, afin de permettre au procureur de se faire une opinion aux fins de l’opportunité des poursuites ou de classement sans suite. Et pour mettre une personne en cause il faut des indices graves et concordants pouvant établir sa culpabilité ou pas. Pour le moment tous les mis en cause bénéficient de la présomption d’innocence. Un principe élémentaire de droit.

Un audit sous pression du FMI

Rappelons, qu’en mai 2020, le FMI a octroyé au Cameroun une enveloppe de 135 milliards de francs CFA. À cette somme il faut ajouter les 45 milliards de dons divers collectés auprès des particuliers des opérateurs économiques et des sociétés installées au Cameroun, soit une rondelette somme de 180 milliards de francs CFA affectée à la lutte contre la pandémie sous la désignation de ‘’ fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le coronavirus et ses répercussions économiques et sociales ‘’. Sous la pression du FMI qui demande de la clarté sur la gestion de ces fonds, le Président de la République du Cameroun a prescrit un audit à la chambre des Comptes de la Cour Suprême. Et sur la base du rapport de cette institution, il a ordonné au ministre d’État Secrétaire Général de la présidence, le transfert de ce rapport d’audit au garde des sceaux; un rapport de mis parcourt comme on le voit. Chose faite le 06 avril 2021 en ces termes : « vous faisant tenir ci-joint thermocopie du rapport de la Cour des Comptes de la Cour Suprême, j’ai l’honneur de vous répercuter les hautes directives du Chef de l’État, prescrivant l’ouverture d’une enquête judiciaire contre les auteurs, coauteurs et complices des cas de malversations financières relevées ».  La réponse du garde des Sceaux est tombée le 22 avril 2021 en des termes peu diplomatiques : « suite à votre correspondance de référence et dont l’objet est porté en marge, me répercutant les instructions du Chef de l’État, prescrivant l’ouverture d’une enquête judiciaire contre les auteurs, co-auteurs et complices des cas de malversations financières relevés par le rapport de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême, J’ai l’honneur de vous demander de bien  vouloir me faire parvenir les pièces d’investigations de la haute juridiction, non jointes à votre correspondance sus-visée. » Que dire de cette «  omission » ? un oubli ou une volonté de ne pas permettre les investigations ? Dans tous les cas la justice doit sévir en instruisant, jugeant, condamnant les auteurs, co-auteurs, et complices de toutes prévarications.

C’est le lieu de préciser que les 180 milliards de francs CFA n’ont pas été consommés à bon escient. Certains ministères n’ayant pas reçus les sommes attendues. Pourtant des  sources indiquent que d’autres facilités financières qui sont attendues du FMI afin de soutenir l’économie camerounaise, sont gelées. Le volet judiciaire n’étant pas encore  clos.

Dans la même lancée du « Covidgate » les Camerounais attendent également que la Cour des Comptes de la Cour Suprême se saisisse de la gestion des comptes de l’organisation de la CAN 2021(qui se joue en 2022) avec son lot de détournements dénoncés par certains médias.

L’on se rappelle du fameux coup de cœur de la coupe du monde 1994  avec la cagnotte  renflouée par la contribution de tout le peuple ( quelques milliards de francs CFA) qui se baladait entre New York et Paris . À ce jour nul ne sait où est passé cet argent.

Charles Yaho

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