MUSIQUE : la Rumba Congolaise embourbée dans les querelles de clochers !

Finalement, le rêve d’une Afrique conquérant le monde par la Rumba, « Africa mokili mobimba », tel que l’avaient caressé, en leur temps, les pères de ce genre musical, de Paul Kamba à Joseph Kabasele, dit Grand Kallé, en passant par Wendo Kolossoy… dans leur vision internationale de la musique, ne restera donc qu’un rêve, à jamais ? Tout porte à le croire. Car, la jeune génération, héritière de leur immense œuvre, dont on espérait qu’elle réalisât ce rêve, cette jeune génération-disions-nous- semble avoir compromis son accomplissement, en se perdant dans les méandres, sans horizons, des querelles de clochers.

Fondé sur l’idée du partage, ce rêve ne mérite-t-il pas d’être revisité, à la lumière de ce nouveau monde, fraternellement concurrentiel, marqué, notamment par la montée en force des sonorités ouest-africaines et surtout anglophones ?

Quand les musiciens lâchent la proie pour l’ombre !

D’après le Larousse, le musicien est la personne qui compose ou exécute des morceaux de musique. Normalement, en toute originalité, grâce à la créativité et à la liberté de leur auteur. D’où la liberté artistique, dont la vocation est justement d’en garantir l’effectivité, par l’expression, sans entraves des talents. Toutefois, cette liberté ne peut se concevoir absolue. Elle doit s’exercer dans la limite de certaines valeurs. S’agissant de la rumba, objet de notre propos, celle-ci est censée véhiculer les valeurs du « Kimuntu ». Un concept philosophique propre à la société Kongo, d’où elle est issue. Le musicien Don Fadel, l’explique excellemment dans son récent ouvrage « Rumba-Origine et évolution », paru chez L’Harmattan. Or, que nous donne à voir la réalité ? Un triste spectacle, de bric et de broc, où l’on voit certains musiciens, se réclamant pourtant de ce genre, heurter délibérément et régulièrement, de plein fouet les bonnes mœurs, par soif d’audience.

Ayant érigé la transgression et le racolage en fonds de commerce, ils instrumentalisent, sans gêne l’intimité des femmes, pour se faire du beurre ! Le phénomène s’est aggravé depuis l’avènement des DJ-musiciens ! En cela aidés, il est vrai par un auxiliaire opportuniste, une certaine presse, de mauvaise aloi. Mais, mesurent-ils seulement l’ampleur du préjudice qu’ils causent ainsi, injustement à l’ensemble d’une corporation, loin d’être toute compromise ? Paraphrasant Rabelais, peut-être est-ce, ici, le lieu de rappeler que la science, sans la conscience, n’est jamais que ruine de l’âme ?

Dans cette affaire, le public est aussi à blâmer. En effet, celui-ci prête trop facilement le flanc à la bêtise, qui du coup ne fait de lui qu’une bouchée ! Ce, alors même qu’il dispose de quelques armes de défense « massive », dont il pourrait efficacement se servir. Pourquoi ne bouderait-il pas, par exemple, en guise de désapprobation, sur les réseaux sociaux, les comptes d’artistes coupables de ce genre d’outrages ? Plus simple encore, pourquoi ne contrôlerait-t-il pas plus ses « Like », trop complaisamment apposés au bas de publications, parfois répréhensibles, oubliant que cela vaut adhésion ? Autant de façons de pousser à la vertu, comme on pouvait jadis se passer de « disques-racailles », pour manifester son mécontentement.

La querelle des écuries musicales : une vulgarité devenue « sport national »

Si la saine concurrence entre groupes musicaux existe depuis la nuit des temps, en ce qu’elle stimule la créativité et l’émulation, la tournure qu’elle prend de nos jours frise le ridicule. Certains musiciens avides de buzz, mais visiblement en panne d’inspiration, s’en prennent, avec une vulgarité déconcertante à leurs confrères dans les réseaux sociaux. Le but étant de doper leur audience, quitte à servir au public de nauséabonds spectacles, dignes de la guerre des « boules puantes », faite de noms d’oiseaux, en lieu et place de la confraternité attendue !

Et la bêtise atteint son paroxysme lorsque certains musiciens, pris dans la fureur du mal, en viennent jusqu’à se « jeter des peaux de banane », pour faire couler les affaires de leurs confrères. Et lorsqu’ils n’exécutent pas la besogne de leurs propres « mains », ils la sous-traitent à leur fans club, transformés pour la circonstance en bras armé. Il est à craindre, qu’au moment où vous nous lisez, quelques officines n’en soient à réfléchir aux stratégies de boycott, par exemple du prochain concert de Koffi Olomidé de Paris la Défense Aréna, et que d’autres n’en soient à comploter contre « Vision », le prochain album d’Extra Musica Nouvel horizon. Autant d’énergie obscurément investie « Mayéla mabé », dans de malfaisants projets, dignes de la plus basse barbouzerie ! Ce mauvais climat, qui confine à la sorcellerie, « ki ndoki » donne une éblouissante actualité aux interrogations de Kiamwangana Mateta Verckys, dans sa légendaire chanson « Nakomitunaka ». Noir de peau, noir de cœur ? Cette communauté en serait donc condamnée à la « timimbilité » ? Néologisme signifiant « mauvais cœur », en langue kituba, parlée dans le bassin du Congo, le terme dérivant de « Ntima » : cœur et de « Imbi » : mauvais.

Toute différente est l’atmosphère prévalant dans le milieu ouest africain, par exemple, où les musiciens se soutiennent mutuellement, n’hésitant pas à créer, à l’occasion des synergies d’ensemble. Surtout en ces temps maudits de covid 19, où le « besoin récréatif » du public s’est accru.

Sans plaider pour le retour à l’ordre moral, avec son corollaire, la censure, nous en appelons vivement à un « sursaut des consciences » de la part des musiciens, pour qu’ils repensent et habitent autrement leur rapport à la musique et à la société. C’est le prix à payer pour redorer leur blason dans l’opinion.

Guy Francis TSIEHELA

Journaliste chroniqueur musical

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