Cameroun : Le Lamidat de Rey-Bouba, une zone de non droit
L’Afrique subsaharienne, notamment francophone, abrite encore des zones de non droit dont on parle peu. Il s’agit de ces mini-royaumes qui évoluent dans des espèces d’indépendances vis-à-vis des États qui les abritent. Zoom, sur le Lamidat de Rey-Bouba au Cameroun.
Situé dans la région du Nord Cameroun, et grand comme la Bretagne, le Lamidat de Rey-Bouba est peuplé de 200.000 sujets.
L’omerta
Sous scolarisés pour la plupart, les femmes et les hommes qui naissent, dans ce petit royaume moyenâgeux dont les pratiques n’ont pas changé à ce jour, semblent n’avoir pas le droit dee savoir ce qui se passe ailleurs. La garde du Lamido, chef du Lamidat est forte d’hommes castrés et de milices, chargés de collecter les impôts de manière générale, faisant la loi à l’intérieur du royaume. Des fonctionnaires de l’administration territoriale camerounaise et responsables des forces de l’ordre, croupissent parfois pendant des jours les sinistres cellules, du Lamidat pour un oui ou pour un non. Ici c’est l’omerta. Plusieurs populations y sont dépouillées de leurs droits de citoyens. Durant les périodes électorales, l’organe officiel chargé de l’organisation et du contrôle des votes est parfois mis hors-jeu. Les bureaux de vote sont le plus souvent sous le contrôle des hommes de main du Lamido, qui s’assurent que les électeurs votent selon les consignes du Monarque par ailleurs très proche du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), le parti au pouvoir.
Le double-jeu des autorités
En effet, lors des consultations électorales, les citoyens ramènent généralement les bulletins des autres candidats afin de prouver l’authenticité de leur vote. C’est une monarchie archaïque à la tête de laquelle ont souvent régné par la terreur les nombreux rois qui s’y sont succédés, et qui n’ont aucune gêne à bafouer les règles républicaines, au vu et au su du pouvoir de Yaoundé. Le Monarque y dispose même souvent à sa guise des biens, de la vie, voire de la mort de tout citoyen. En 1996, alors qu’il est en campagne électorale dans le Mayo Rey, Haman Adama, alors député de l’Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP), un parti qui se réclamait à l’époque de l’opposition, est attiré dans un traquenard par les sbires du Lamido qui le frappent mortellement. Une plainte déposée à cet effet par les responsables politiques l’UNDP n’a jamais eu de suite.
Pascal M.