LOKUA KANZA : « MOKO », son dernier opus, enfin dans les bacs!

 

Du grabuge en perspective ! Après dix ans d’absence sur le marché du disque, le talentueux musicien Lokua Kanza signe un retour remarqué, avec son album « MOKO ». Un véritable chef d’œuvre, unanimement salué par la presse, autant que du grand public. « MOKO » est un terme polysémique en langue lingala, qui signifie, selon les contextes « un », « unité » ou « commencement ».

D’écoute agréable, l’album qui reste dans la tradition épurée de cet artiste d’une redoutable sensibilité, parait le meilleur de son éclectique répertoire, mélangeant afro-soul, afro-blues, afro beats, folks… Autant de rythmes emblématiques, parfois nés d’une culture, souvent d’un dialogue de cultures. Et à l’arrivée, de surprenantes sonorités, comme ce joyau musical sorti aux éditions « NZELA », le 4 juin 2021, après huit ans de laborieuse gestation, que nous vous offrons ici à découvrir.

  MOKO : Le condensé d’une vie

« MOKO » est l’épilogue d’une longue histoire perdue dans la nuit des temps. Vraisemblablement aux confins de l’arrivée, en 2010, de ce qu’était encore récemment son dernier album : « NKOLO ». Mais de son âme, cette pépite parait remonter encore à plus loin, à la source. Celle qui irrigue de son inspiration, toute l’œuvre de cet artiste, ici, fougueusement remontée, telle une lave à la surface d’un volcan, en éruption, genre Nyiragongo, de son Congo natal. D’où, à la fois son caractère bien trempé et sa hauteur de rayonnement à l’universel qui augurent de son ancrage dans l’intemporel : « Lokua Kanza mokili mobimba » (l’universel), comme l’avait rêvé Joseph Kabasele, en son temps, d’un « African Jazz mokili mobimba ».  Et pourquoi pas « Lokua Kanza sesese ko », « Lokua Kanza, forever ».

Dans le confinement d’un disque d’une quatorzaine de titres, chantés dans une mosaïque de langues entrelacées, et par une armada de musiciens bien capés, plus d’une centaine, tout de même, dont quelques célébrités, tels que Manu Dibango ou Charlotte Dipanda, Lokua Kanza embrasse, dans un subtil tour de rôle, frisant le tour de passe-passe, toute une avalanche de thèmes : l’amour, l’effort, l’optimisme, le devenir de l’humanité… Florilège : « Déploie tes ailes » ouvre le bal en exhortant à l’effort et à la « confiance en soi », quiconque voudrait « gagner sa place au soleil », à l’image de l’oiseau, qui pour atteindre le firmament, doit laborieusement battre ses ailes. Alors que sur une tonalité optimiste, « Tout va bien » et « Tout ira mieux », tels les messagers de Morphée viennent instiller de la douceur, en contrepoint de la nervosité ambiante. Plus loin, « Samaway » ou « Love is a power » célèbrent quant à eux les vertus de l’amour, joyeux antidote au bellicisme humain. Une allusion à peine voilée aux guerres fratricides ensanglantant son Kivu natal, et aux tensions permanentes qui minent les relations entre la République Démocratique du Congo de son père et le Rwanda voisin de sa mère et de son ami Corneille (Cf feat « Plus vivant »). Enfin, aux relents de complainte, et pour atterrir, « Kende malembe » rabat les ailes, en sanglots. En écho aux femmes violées de l’hôpital de Panzi, toujours là-bas dans le Kivu, où le Dr Mukwégé, prix Nobel de la paix 2018, en mécanicien humain, répare les femmes violées.

MOKO : La gloire aux vivants    

En bon chantre de la pureté artistique, doté d’une grande sensibilité, Lokua Kanza, dans cet album s’inscrit dans la continuité de sa tradition. Celle d’une musique organique et sensuelle « dite fait main ». Celle aussi de ses multiples influences et collaborations : Fela Ransome Kuti, Manu Dibango, Richard Bona, Ray Lema… Celle enfin des voluptueuses sonorités s’échappant du pavillon évasé d’un saxophone vibrant au souffle humain, du son d’un tam-tam battu des mains de maitre, des cordes d’une guitare habilement pincée, des cordes d’un piano agilement tapées, ou celles d’un violon gentiment frottées au archet… Au final, une richesse d’expression inouïe, réduisant mécaniquement la part des boites à rythmes dans ce qui résonne finalement comme un festival de sonorités. Et le « vice » de la finesse atteint son paroxysme au pays magyar, lorsque l’artiste ébranle, rien que pour le plaisir de l’oreille, tout l’attirail d’un orchestre philharmonique pour l’accompagner dans sa folie…des grandeurs !  Quitte d’ailleurs à passer pour le Magellan des temps modernes, en bravant la rigueur des montagnes, la colère des forêts ou la fureur des océans, à la recherche de l’improbable, de ces rarissimes touches des terroirs, gardiennes de la diversité culturelle de l’humanité, si chère à l’UNESCO. Pas étonnant ensuite d’entendre gronder, en tornade, le sabar sénégalais, aux côtés du cuica brésilien, ou la flûte de bambou indien aux côtés du talking drum nigérian, le tout dans une infernale balance harmonique !

Si l’harmonie des sonorités « MOKO » inspirait les vivants, la terre, cette terre que nous n’héritons pas de nos ancêtres, mais que nous empruntons à nos enfants, selon le mot d’Antoine de Saint-Exupéry, cette terre, disions-nous, s’en porterait, certainement mieux. Au grand plaisir de l’artiste, qui verrait ainsi s’accomplir son rêve le plus fou, celui d’apaiser le monde !

L’album est disponible sur toutes les plates formes de téléchargement : i Tunes, Spotify etc

Guy Francis TSIEHELA

Journaliste-chroniqueur musical 

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