Lutte contre le Covid-19 : Quand les musiciens s’en mêlent

Lancé dans sa passion carnassière, le fléau du Covid-19, si on ne l’arrête pas, finira par menacer l’humanité dans son existence. Ayant préempté l’actualité de ce fait, ce virus à la couronne sème le chaos et la mort partout. Du jamais vu de mémoire d’homme ! Il faut remonter très loin dans l’histoire pour retrouver traces de pareille tragédie. C’était en 1918, lors de la pandémie de la grippe espagnole, qui a fait plus de 50 millions de victimes à travers le monde.

Mobilisation  des artistes pour vaincre le Coronavirus

Aujourd’hui, l’histoire semble bégayer. Et l’humanité déjà traumatisée décide, à juste raison de battre le tocsin, plutôt que de battre en retraite. Vital, l’enjeu est de mobiliser toutes les ressources pour combattre cet ennemi protéiforme, aux relents de moulins à vent. Le ton est délibérément martial pour marquer les esprits, et le champ lexical tout à l’avenant. On parle de front, stratégie, ennemi, attaque, riposte, résistance et tout le toutim ! C’est dans ce contexte de mobilisation générale que les artistes, en véritable miroir de la société descendent dans l’arène, de pied ferme, pour assumer leur part de fardeau dans cette bataille capitale.

Ayant pris la mesure du drame qui se joue, ces artistes ont ponctuellement suspendu leur liberté pour s’emparer de cette cause, afin de lui donner une visibilité, quitte à en devenir d’ailleurs la locomotive. Un apport bienvenu par ces temps de frustrants bouleversements, dont l’acceptation nécessite le déploiement de tous les stratagèmes. Car il s’agit d’un quasi-changement de civilisation, où l’on voit par exemple que, du fait du confinement s’opère subrepticement une mutation, où à la civilisation de la mobilité, se substitue celle de l’immobilité ( Edgard Morin in Libération du 29 mars 2020). Pris ainsi à rebrousse-poil de sa nature, l’Homme, même avec le Covid-19 à ses trousses est-il vraiment prêt à consentir, en si peu de temps à tant de sacrifices ?

Nécessité faisant loi, ces sacrifices de toute façon s’imposent, sublimés par la cause. Néanmoins, pour y parvenir la contrainte seule ne suffira point. À cette dernière, en plus de la pédagogie, devront s’associer d’autres modes de motivation, y compris émotionnels. Et c’est dans ce registre-là que l’intervention des artistes, notamment des musiciens peut être décisive. Leur habilité à toucher la corde sensible du grand public fait d’eux de redoutables et incontestables influenceurs sociaux. Qui contestera leur contribution dans la mobilisation des opinions publiques dans la défense de diverses causes telles que : la faim en Éthiopie, l’apartheid en Afrique du Sud, la préservation de l’environnement, pour ne citer que ces exemples-là ?

Les musiciens doivent donc essaimer là-dessus ! Plus nombreux ils s’y engageront, mieux cela vaudra, pour obtenir un impact plus fort, puis qui s’inscrive dans la durée. Tel est le vœu que nous formulons pour conjurer les risques du relâchement. Lequel s’observe déjà en Europe, par exemple, où avec l’avènement du printemps, synonyme du beau temps, les citoyens, euphoriques commencent à baisser la garde, au risque d’annihiler tous les efforts consentis jusque-ici.

Au sein des populations, jamais, le sentiment de « révolte » n’a autant dominé les esprits, invoquant l’écrivain Albert Camus, qui en avait fait une tendance philosophique, avec des romans aux titres aussi peu ragoûtants que « la peste » ou « la nausée », autour de la notion de condition humaine (Malraux), elle aussi convoquée par ces temps.

Alors, c’est l’occasion ici de tirer notre chapeau aux célébrités, qui en réponse à la détresse ambiante, ont cessé toutes affaires, pour réorienter leur énergie sur ce combat existentiel. Et ce d’autant plus que leur « business » subit de plein fouet les conséquences de la pandémie, du fait de l’annulation des concerts programmés.

Le artistes africains au chevet des populations

Plusieurs artistes africains se sont signalés dans cet engagement, parmi lesquels : Congo-Brazzaville : l’orchestre Extra-Musica Nouvel Horizon. Il s’est prêté au « jeu » dans un clip de sensibilisation intitulé « changeons d’habitudes ». À cette action s’en sont greffées d’autres comme la campagne de dons aux orphelinats de Brazzaville le 7 avril 2020 et l’achat d’espaces publicitaires de sensibilisation aux dangers du Covid-19.

Likala ya moto, un artiste en herbe, qui dans une chanson-brûlot abondamment diffusée dans les réseaux sociaux s’en prend aux supposés responsables du fléau, sur fond de danse inspirée par les gestes barrières.

Juste en face, en République Démocratique du Congo, Koffi Olomidé dans une chanson au titre évocateur « assassin » honnit le virus. Férré Gola n’est pas en reste. Dans une chanson chantée en anglais « we fighting corona », il abonde dans le registre de la prévention. Fally Ipupa lui aussi s’y met, en élevant sa voix, guitare sèche en bandoulière, après avoir échappé lui-même à la contamination, lors de son concert à ArenahotelBercy de Paris. A posteriori, il s’est avéré que ce concert était un vrai nid à coronavirus, car de nombreuses contaminations s’y sont produites, dont certaines ayant conduit à la mort. Comme celle du célèbre chroniqueur Jean-Michel Dénis, celui-là même qui avait présenté Fally au public, à ce concert.

En Côte d’Ivoire, les artistes Alpha Blondy, le groupe Magic System, DJ Kerozen et bien d’autres artistes, ont distribué des denrées alimentaires aux populations sans ressources.

En Europe et aux Etats-Unis, les artistes étaient déjà en alerte 

De Jean-Jacques Goldman à Vanessa Paradis et son mari Samuel Benchetrit, en passant par Oprah Winfrey, les célébrités rivalisent d’ingéniosité dans les réseaux sociaux, pour accompagner au mieux la société en ces temps critiques.

Malgré ses horreurs, cette crise devrait être l’occasion pour l’humanité de se poser, pour engager une réflexion profonde sur le sens que nous voulons donner à nos sociétés. Celle-ci permettrait d’analyser froidement la réponse sociale donnée à cette calamité, avec en perspective de possibles remaniements systémiques. Karl Jaspers au sortir de la seconde guerre mondiale avait déjà tiré la sonnette d’alarme, en disant : « si l’humanité veut continuer à vivre, elle doit changer ». Tout un défi.

Guy Francis TSIEHELA

Chroniqueur musical

 

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