Le Bozar de Bruxelles en feu: C’est qui le pyromane ? C’est Ray LEMA !

Pour dérouiller les reins du public belge, longtemps restés engourdis sous l’effet malfaisant du Covid 19, empêchant tout rassemblement, il n’y avait pas mieux que ce concert de Ray LEMA ! On s’en aperçoit seulement après coup, au vu du succès. En effet, cette icône internationale de la musique, tout droit sortie du cœur de l’Afrique, en République Démocratique du Congo, a littéralement enflammé le Bozar bruxellois, le samedi 16 octobre 2021, lors d’un concert mémoriel, organisé en hommage au grand maitre de la guitare Franco Luambo Makiadi, disparu il y a 32 ans, à Mont-Godinne, en Belgique le 13 octobre 1989.

Signe des temps ou simple hasard des calendriers, cet évènement coïncide avec l’année où le dossier de la Rumba congolaise, en instruction auprès de l’UNESCO, devrait connaitre son épilogue.

Hommage à Luambo Makiadi par Ray Lema : Lisanga ya ba nganga (retrouvaille des élites).

La barrière des genres…musicaux est manifestement poreuse ! Ray Lema, qui est tendanciellement Jazz ou World Music, peut-être même inclassable, l’a talentueusement prouvé, au travers de cet éclatant concert de Rumba, où il interprète brillamment une once du répertoire d’Ok Jazz. La veille du concert, Ray tout ému, lors d’une conférence de presse sur le thème de la candidature de la Rumba congolaise au patrimoine culturel immatériel de l’humanité à l’UNESCO, tenue à Bruxelles, au palais des académies, avouait son admiration pour Franco, dès sa plus tendre jeunesse. Comme tout jeune de son époque, il disait « fréquenter » ses concerts en « nguembo », c’est-à-dire juché sur un arbre. Et en homme entier, l’artiste est allé au bout de sa logique, déclinant cette admiration en hommage par la chanson : le nec plus ultra. Un sacré cierge brûlé à François Luambo Lua Ndjo Makiadi. Cet homme qui, durant près d’un tiers de siècle (1956-1989), a dominé la scène musicale africaine, à la tête d’un des plus prestigieux orchestres africains et sans doute, aussi le plus prolifique de tous les temps : le Tout Puissant Orchestre Kinois Jazz, ou Ok Jazz.

Tout se passe dans une salle bigarrée, pleine à craquer, comptant quelques invités de marque, tel le grand arrangeur congolais Freddy Kébano ou la musicienne Marie Daulne, alias Zap mama. C’est là que Ray et son orchestre, visiblement rôdés à la perfection vont sortir le grand jeu devant un public enthousiaste. Fluide, le spectacle d’une durée de deux heures environ, est constitué exclusivement de morceaux choisis dans l’immense œuvre d’OK Jazz, toutefois servis à la sauce « rayenne ». Les paroles souvent reprises en chœur par le public, lors des temps forts, notamment, sont courtes. À dessein, sans doute pour rallonger les épisodes rythmiques, dits « sébènes ». Avec une touche régulière de piano, joué de main de maitre par un Ray Lema himself, des meilleurs jours. Au final une belle alchimie de l’« élite » et du « populaire », dans un bouillon de sonorités offrant une belle escapade sensorielle ! Les dosages d’ingrédients sont faciles pour cet artiste qui a flirté avec la chimie dans sa vie scolaire.

Pendant ce temps, les musiciens « made in » Congo-Brazzaville, Ballou Canta et Freddy Massamba, grands brouteurs de lisango (maïs, désignant micro en lingala), devant l’éternel, vocalisent à merveille, pour édulcorer de leur magnifique voix, cette ambiance, par moments suffocantes, parce qu’excessivement torride ! Ils le font d’autant plus bien que le répertoire constitué d’une dizaine de chansons leur va, vocalement, comme un gant. C’est « Ebalé ya Zaïre » de Lutumba Simaro qui ouvre les hostilités, qui se termineront par « Chérie Bondowé » de Mayaula Mayoni, tous deux déjà disparus. Dans l’entre deux, le public a pu apprécier bien d’autres tubes, comme « Liberté » ou « Mario ». Et sans surprise, c’est cette dernière chanson qui sera le point d’orgue de la soirée.

Le feu !  

L’universalité de la musique n’exclut point quelques tropismes « ethniques ». Cela n’échappe visiblement pas à Ray, dont l’ingéniosité s’illustre ici dans son art subtil d’avoir conçu un spectacle « caméléon », pouvant contenter tout public. D’où la prééminence du langage instrumental, avec des sebenes à forte sensation, mettant permanemment le public dans tous ses états. Les cuivres qui sont très en vue, se relaient dans une espèce de continuum avec la guitare d’un certain Rodriguez Vangama, dont les pincements de corde mi- soukouss, mi- rock’n’roll fignolent des sons à couper le souffle. Un moment donné, la salle frôle l’éboulement, lorsque l’adrénaline atteignant son pic, le public en devient sauterelle !

Le piano est sans surprise, magnifiquement joué par Ray, mais trouve malheureusement dans ce jeu trop étoffé, peu d’espace d’expression. Il finit ainsi par donner l’impression de passer en sourdine. Dommage pour cette déperdition, qui a certainement ôté au spectacle une part de son charme. Par ailleurs, quelques danseuses, genre « Rocherettes » sur scène, n’auraient probablement pas été de trop pour mieux la meubler.

Preuve d’addiction du public à ce spectacle, lorsque Ray et son groupe se retirent de scène à la fin, la salle grogne. Les applaudissements nourris et insistants du public qui s’en suivent les convainc à revenir, jouer un dernier morceau, « pour la route ». Qu’ils sont sympas ces « Rumberos » !

Guy Francis TSIEHELA

Journaliste chroniqueur musical

 

 

 

 

 

 

 

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