Musique : Sur la piste des vraies origines du Jazz

Le jazz est une musique qui a plus de 100 ans. Une période qui peut paraitre énorme mais pourtant très courte au regard de certaines musiques dont les apparitions sont suspectées depuis des dizaines de siècles avant l’ère chrétienne. La définition du Jazz ne fait pas forcément l’unanimité. Alex Dutilh, producteur d’une émission : « Open Jazz », qu’il anime sur la station de radio France Musiquedepuis plus de 20 ans définit de façon un peu poétique, par exemple le jazz comme « un vampirisme métis qui, depuis sa naissance suce le sang des autres musiques pour se régénérer ». D’autres la comparent à une rencontre entre les musiques africaines ramenées aux Etats-Unis par les esclaves et le répertoire classique européen, autrement dit, comme une fusion de chants et des rythmes des peuples noirs avec les modes harmoniques des blancs.

En réalité, ces conceptions omettent beaucoup de choses. D’abord le fait qu’à la base, le terme « jazz » désignait de façon très malhonnête cette création musicale spécifiquement noire américaine, dont on ne peut nier qu’elle fut l’expression fondamentalement conflictuelle de l’expérience noire américaine dans un contexte résolument oppressant. Le nom « jazz » trahit la violence de cette expérience. Il n’a jamais été choisi par les Noirs Américains de la Nouvelle Orléans, berceau désigné du « jazz » depuis la toute fin du19e siècle. Il était intentionnellement dénigrant, du fait d’être pratiqué dans les lieux mal famés de la Nouvelle Orléans, avec des danses chaloupées du bassin considérées comme « choquant » la morale et les jeux de jambes. Ce qui n’a franchement pas aidé à l’amélioration de son statut d’autant plus que les pratiques musicales et chorégraphiques étaient influencées par le culte du vaudou dont étaient imprégnés certains des plus fameux représentants du jazz comme Jelly Roll Morton et Louis Armstrong.

Une résistance insubmersible

Le « jazz » (mot utilisé ici par défaut) est d’abord une résistance insubmersible, exprimée toutes ces décennies grâce à une créativité manifestement sans cesse renouvelée depuis les Negro-spirituals jusqu’au Hip Hop. Un acte de survie puis d’épanouissement régulièrement piégé. Plusieurs artistes noirs de jazz ont d’ailleurs été usurpés sciemment de leurs droits d’auteurs. La Nouvelle-Orléans comprenait des vivants d’origine amérindienne, hispanique, anglo-saxonne, française, créole, africaine … Mais les métissages musicaux que les Noirs américains ont produit en puisant dans ce creuset et dont on se sert très malheureusement pour annihiler la spécificité de l’expérience noire qu’est le « jazz » à ses origines, sont les fruits d’une nécessité d’une urgence tant la foi dans la vie, dans le droit absolu d’exister secouait les humiliations. Rappelons que les langues, les noms, les supports musicaux (donc les danses) avaient été interdits aux Noirs Américains. Ils ont dû presque tout réinventer en puisant ci et là ce qui leur a paru à chaque fois pertinent pour finalement offrir au monde l’un des plus beaux cadeaux que l’humanité possède : l’Espoir. Un vampire siphonne la force vitale au détriment définitif de la victime. Le « jazz » n’a absolument rien à voir avec le vampirisme, bien au contraire, du chaos qu’ils ont vécu les Africains, Américains ont livré une ode à la vie en puisant incessamment dans leur africanité ontologique.

Finalement ce sont les artistes d’autres cultures qui ont puisé dans le jazz une façon de se renouveler de s’interroger, de reconsidérer leur entrée dans l’ère moderne. Parce que c’est ce que le jazz sait faire : rendre actuel, présent, (re)devenir, donc rendre vivant.

A.B avec Marcel Obam ( Professeur de musique-Chef d’orchestre-Compositeur)

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