Musique: Le retour en fanfare de Bozi Boziana, « Ya Benz »

Sorti des radars du public depuis une demi-dizaine d’années, Bozi Boziana est en train d’opérer un retour fracassant sur la scène musicale. Son album devant inaugurer une « Nouvelle ère » de sa carrière, à peine lancé réalise de telles performances sur les plates formes en ligne, qu’il commence déjà à redonner des couleurs à son auteur qui, les avait perdues depuis un moment.

De son vrai nom Boskill Ngamboni Mbenzu, le grand-père Bozi-Boziana, est né à Kinshasa le 28 septembre 1951. Il est originaire de Bolobo, en République Démocratique du Congo(RDC), ville située en face de Mbuemba, sous-préfecture de Makotipoko, au Congo Brazzaville, dans les Plateaux.

La carrière de Bozi-Boziana, commencée à l’aube des années 70 reste marquée par une forte volatilité, comme en témoignent ses nombreux changements d’orchestres. Il commet ses faits d’arme majeurs à Kinshasa, successivement dans les orchestres Bambula de Papa Noel Nedule, où il croisera la route d’un certain Madilu Système, puis Minzoto Sangela, Zaïko Langa-Langa, Isifi Lokolé, Yoka Lokolé, Zaïko Langa-Langa, Langa-Langa Stars, Choc stars, puis depuis 1986, Anti Choc Stars, l’orchestre qu’il créa.

Sa voix, son premier atout

Zaïko Langa-Langa est l’orchestre qui l’aura véritablement propulsé sur le devant de la scène, alors qu’il n’y était venu que pour assurer l’intérim de Gina Efongué, empêché ponctuellement. Grâce à son talent, le provisoire devint définitif. En effet, la tessiture de sa voix lui permet d’évoluer, confortablement sur plusieurs registres vocaux, même si celui qui lui sied le mieux demeure le baryton (intermédiaire entre le ténor et la basse), ce qu’on appelle deuxième, dans le jargon populaire.

Sans conteste, sa voix est son premier atout, le plus beau des « instruments » que tous les autres instruments cherchent à imiter ! Dans Langa-Langa Stars, qui était une véritable guerre de stars, « ya Benz » disposait d’une place de choix dans l’architecture vocale, campant à l’attaque chant, faisant de l’ombre à certaines non moins belles voix, telles que celles d’Evoloko, Dindo Yogo, Djénga ka, Djanana…

Danseur moyen, sa deuxième force réside bien sûr dans la qualité de ses compositions. En témoigne sa discographie, à la fois foisonnante et brillante. Osons un florilège, à tout hasard : Toutou mwana Cfa, Diana ya mama, Tshala, Sissina, Titcha, Sandu Koti, Aléna, Israël, la reine de Sabah… Chacune de ses compositions finit en chef d’œuvre, fiévreusement salué par le grand public, autant que par la critique musicale, où Bozi-Boziana jouit plutôt d’une bonne presse.

La renaissance

D’ordre comportemental, sa troisième force est sa bonhomie et son humilité. De toutes les stars de la chanson congolaise, il est probablement le moins clivant et le moins mêlé aux basses polémiques. Un grand-père, portant manifestement bien son nom !

Tel un sphinx renaissant de ses cendres, Bozi-Boziana, que l’on disait fini, ressurgit dans « Nouvelle ère ». Un album de haute volée artistique, comprenant sept titres, hyper variés, en thèmes et sonorités, destinés à le ramener sur le devant de la scène. À cette fin, des musiciens de renom se sont penchés sur le berceau de cet opus, auquel ils ont prodigué les meilleurs soins, issus des dernières avancées de l’art musical : le Maestro Maïka Munan, Reddy Amisi, Féré Gola, en featuring, et des artistes d’Anti Choc stars, telle que la chanteuse Faïla Passira et bien d’autres.

Faïla Passira est une chanteuse à la voix angélique que Bozi-Boziana ne cesse de louer et qui lui aurait fait oublier toutes ses « vieilles gloires féminines » ! Son talent explose, notamment dans « bomoko », une plaidoirie folklorique de réconciliation entre deux ethnies rivales de la RDC, les Nounous bobangui et les Téndés. Une composition estampillée Maitre Jhon Yabusélé, où Faïla se fait galamment accompagnée du Grand-père Benz, de Moda show et du célèbre comédien Mangobo, dans une composition harmonique inédite.

Dans « Je t’aime Mfumu », un des titres phares de l’album, réalisé en featuring avec Reddy Amisi, « ya Benz » signe une prouesse mélodique époustouflante. Il y est pour ainsi dire au sommet de son art, jonglant entre ses anciens airs et ceux du moment, apportés par le fringant vocaliste Reddy Amisi.  « Android », l’autre titre phare de l’album est du même acabit. Réalisée en featuring, avec Féré Gola, la chanson est une véritable berceuse pour bébé pleurnichard ! Les voix des duettistes, limpides, et magnifiquement accordées, sans se confondre, dans une espèce de contrepoint, vous flattent l’oreille, au point de vous donner la chair de poule.

Alchimie parfaite entre deux générations

À la défense, l’instrumentation ne souffre d’aucun couac. Les accords sonores sont parfaits, grâce, notamment au doigté du maestro Maïka Munan, l’homme-orchestre, aux multiples talents, qui transforme en or tout objet qu’il touche. La délicatesse de ses interactions avec les guitaristes Azolino et Serge Kabangu (à la basse) délivre des sonorités d’une rare intensité, avec à la clé des rumbas et des sébènes exquises. Quant aux dédicaces, elles sont si parcimonieusement distillées qu’elles ne parasitent même pas l’écoute, bien au contraire !

Fruit d’une savante alchimie entre deux générations d’artistes différents, « Nouvelle ère » par, à la fois sa fulgurance et sa tempérance devrait pouvoir convenir, comme un gant aux publics les plus exigeants, pour avoir exploré de nouvelles sonorités et mélodies, sans toutefois tourner le dos au précieux héritage du passé.

Dans le cadre de la promotion de son disque, Bozi-Boziana entreprendra une série de tournées nationales et internationales. Un premier concert étant programmé le 29 août 2020, à Matadi, sis hôtel Silem, chez innocent Lelo.

Cet opus, que je vous recommande est disponible sur toutes les plates formes de vente en ligne, telles qu’Amazon, Netflix, CanalPlay…Il est une auto production signée « Boziro », dont la distribution est assurée par Naelis Music.

Guy Francis TSIEHELA

Chroniqueur musical

guyfrancistsiehela@yahoo.fr 

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