Musique : la frappe acoustique de Norbat de Paris

La musique, selon le Larousse, c’est la science des sons considérée sous le rapport de la mélodie et du rythme. Dès lors, tout son ne saurait être de la musique. Pas plus que la musique ne devrait se réduire au son. Car derrière le son se cache tout un univers : un art de vivre, une manière d’être, une culture, bref tout un écosystème. Ainsi perçu, le concept de musique draine une foultitude de choses, souvent impalpables, de l’ordre des sentiments, des émotions, des sensibilités, des valeurs…

Ainsi lorsque Norbat de Paris lève le réel par le chant, comme dans cette acoustique, c’est pour y déployer, dans toute sa majesté, tout cet imaginaire, selon son style. Et aussi longtemps que les chiens ne feront pas les chats, Norbat ne fera que du Norbat, pour le bonheur de ses fans, dixit lui-même !

Au commencement étaient la parole et la SAPE

C’est de son bastion de la SAPE, acronyme de la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes que le King Norbat de Paris, de son vrai nom Diome Louyindoula Norbert se révèle au grand public.  C’est aussi par lui qu’il arrive à la musique. La SAPE n’étant autre chose que le dandysme, cette religion de l’étoffe qu’on appellerait en lingala, le « Kitendisme ». Un mouvement qui exalte l’art de l’habillement délibérément ostentatoire, pour frapper les esprits, quand ce n’est pour les choquer. Le tout souvent agrémenté de salves de déclamations croisées, en forme de palabres, le « nkelo » dans le jargon du milieu.  Le fait d’arme majeur de Norbat, celui qui l’a véritablement propulsé sous les feux de la rampe internationale reste incontestablement son couronnement en roi du shopping sur M6, la chaine de télé française, en juin 2015.

La fête est la circonstance par excellence de l’habillement, son terrain de jeu favori. Or qui dit fête, dit danse. Et qui dit danse, dit musique. L’affinité entre les deux étant des plus étroites, par une sorte d’osmose le King s’est laissé prendre au jeu.

De la SAPE à la musique

La guerre des tubes fait rage. Après avoir eu la peau des crocodiles, ligotés et « bâillonnés » pour en faire ses godasses, Norbat de Paris réussira-t-il à avoir celle de la concurrence musicale ?

Le King s’emmêle.  Et du haut de sa puissance norbatique, largue coup sur coup, telles des missiles des albums et des singles, dont la promotion le conduira au Congo-Brazzaville, son pays d’origine, aux USA, en Suisse etc. Les titres du King portent bien sûr sa griffe : « Il faut saper les ngayas », « Kanga langa » … Autant de titres ronflants, qui sont le fruit de sa passion, autant que le reflet du monde qu’il côtoie désormais, le monde des stars et des paillettes.

Franco Luambo Makiadi disait chanter des choses qu’il voyait et qu’il entendait (Cf lettre de Monsieur le PDG). Eh bien, Norbat de Paris fait exactement pareil ! En chantant la SAPE, en vantant la valeur « travail » ou en clamant son patriotisme, il parle des choses qui l’environnent. Et avouons-le, la société congolaise des deux rives est fortement traversée par ce mouvement, qui s’est d’ailleurs, bien exporté depuis.

Florilège de son répertoire, l’acoustique de Norbat constitue un réel élixir de plaisirs. Elle donne à savourer une pléiade de sonorités finement orchestrées sur des thématiques et registres bien variés. Des plus sérieux comme dans « Congo koléla té », une complainte où il évoque le sort de son pays, ou des plus légers comme dans « Kanga langa », où il retombe dans son péché mignon, l’étoffe, Norbat cartonne ! Rarement une acoustique avait atteint un tel niveau de raffinement, à tous égards, foi de mélomanes avertis. Bons sons et bonne scénographie font chorus. Les cordes de la guitare savamment pincées par un Caïen Madoka au sommet de son art, délivrent de ces sons qui vous prennent aux tripes. Et le drummer est à l’avenant, dans une espèce de complicité, sans bavure, digne des larrons en foire ! Tandis que de l’autre côté, la pianiste du haut de ses cordes bien tapées, prend jovialement son pied, sous le regard visiblement extatique du manager, Anaclet la Couronne. Cependant que les tambours battent leur plein !

Tout bien pesé, cette acoustique est incontestablement un chef d’œuvre. Elle vient confirmer le talent musical du King, qui plus est dans le plus simple appareil, sans sophistication technique. Avec le risque d’un périlleux dévoilement des faiblesses. Heureusement que chez le King, tout est nickel !

Guy Francis TSIEHELA

Chroniqueur musical, Ziana TV

*L’œuvre est disponible sur les plates formes légales de téléchargement et sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=kdiiRUdR3FI

 

 

 

 

 

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