Afrique francophone : Au-delà de la mort d’Idriss Déby Itno
Il y aura d’autres Idriss Déby Itno
Depuis la mort du Président Tchadien, Idriss Déby Itno, l’on pérore, à longueur de journées et de nuits sur les circonstances exactes de ce drame. A-t-il été tué au front ou au palais ? Au front, par un rebelle Tchadien ou au palais, par un élément de sa garde rapprochée ? En réalité, le vrai enjeu est ailleurs. La première certitude est que, front ou pas front, Idriss Déby Itno a été tué, liquidé, assassiné, par la Françafrique, comme l’ont été avant lui, de nombreux autres Présidents, hommes politiques et économistes Africains. Comme le seront probablement certains autres, aussi longtemps que les Africains Subsahariens ne comprendront pas que leurs vrais ennemis, ce sont eux-mêmes d’abord, puis les autres.
La France et la mainmise sur l’Afrique
De tous les pays colonisateurs qui s’abreuvaient en Afrique à la fin des années 50, et à qui l’Organisation des Nations Unis avait demandé de partir et de libérer le continent, seule la France n’avait pas tout à fait obtempéré. Elle avait fait semblant de partir, mais Elle n’est jamais partie, en réalité. Elle est restée, en faisant passer ses colonies sous les fourches caudines d’une néo-colonisation au sein de laquelle les premiers dirigeants des pays dont elle se sentait obligée d’accorder les indépendances, avaient été choisis, installés, parrainés et soutenus avec pour principales missions : celles de préserver les intérêts de la France, par le respect scrupuleux des scélérats accords de coopération et de défense qu’elle leur avait fait signer. Ceux des dirigeants qui ne les respectaient pas étaient presque systématiquement assassinés : Ngarta Tombalbaye du Tchad, Sylvanus Olympio du Togo, Patrice Emery Lumumba du Zaïre à l’époque, etc. Et leurs successeurs avaient l’obligation de les respecter, sinon, ils passaient également à la même trappe : Marien Ngouabi du Congo Brazzaville, Thomas Sankara du Burkina Faso, Laurent Désiré Kabila de la RDC, etc. Laurent Gbagbo de Côte d’Ivoire est l’un des rares à avoir miraculeusement échappé à la mort, mais on lui a retiré le pouvoir, pour le remettre à Alassane Dramane Ouattara, l’un des plus fervents et zélés défenseurs des intérêts de la France.
Les dynasties en marche ?
Le pire est que lors de ces incessants changements de régimes, sanglants pour la plupart, la France n’a pas cessé d’imposer aux Africains des pouvoirs qui ressemblent de plus en plus à des dynasties. Des fils, des bénis oui-oui, corvéables à merci, qui succèdent à leurs pères. Au Tchad forcément, pour rester dans l’actualité. Mais aussi hier au Togo et au Gabon. Demain, très certainement en Guinée Équatoriale. On en parle aussi, de plus en plus, du côté du Cameroun, même si le Président Paul Biya a laissé entendre en coulisse, au détour d’une conversation à ce sujet, que le Cameroun n’était pas une dynastie. Mais nous savons très bien ce que valent les paroles et promesses des hommes politiques. Et cela fait un peu plus de 60 ans que durent ces drames.
Et comment en sortir ?
Le problème est qu’ils dureront aussi longtemps que ces néo-colonisés n’auront pas compris trois choses : la première est que, lorsqu’on est dominé par un prédateur comme la France, et qu’on veut le tenir à une distance respectable de ses richesses, l’on devrait s’arranger à se rapprocher des autres puissances rivales. C’est ce qui a été conseillé au Président Centrafricain, Faustin-Archange Touadera, qui s’est rapproché de la Russie. Deuxièmement, fort de ses puissants soutiens extérieurs, rivaux à la France, il faut en profiter, pour se bâtir une armée nationale capable de défendre les frontières et les intégrités des territoires. C’est ce que s’efforce de faire Paul Biya au Cameroun car, on voit bien que les pays africains dans lesquels sont implantées les bases militaires françaises, (Sénégal, Côte d’Ivoire, Tchad, Gabon, etc.), sont pratiquement sous la tutelle de la France. « La France ne laissera personne menacer l’intégrité du Tchad », c’est Emmanuel Macron, le Président français qui le déclare tout récemment, sur le sol tchadien. Pour la démonstration, plus besoin d’en rajouter. La troisième chose, que ces pays, économiquement asservis et militairement ceinturés doivent faire est sans aucun doute ce que leur principal bourreau, la France, redoute le plus : procéder à la transformation de l’essentiel de leurs matières premières et ressources naturelles en produits finis et commodités qui leur permettent de subvenir à l’essentiel de leurs besoins. La production, la transformation, par les Africains eux-mêmes, de leurs ressources naturelles, de leurs matières premières, pour en obtenir l’essentiel des biens et commodités dont ils ont besoin pour vivre, est la principale clé de voûte qui leur ouvrira les portes de leurs indépendances. S’ils en arrivent à ce niveau, l’économie de la France et de quelques autres pays occidentaux va sans doute s’écrouler.
La raison principale des massacres, en Afrique
C’est la raison pour laquelle, depuis la nuit des temps, les puissances d’argent et hégémoniques de la France, massacrent et font massacrer les Africains par les africains eux-mêmes, c’est pourquoi elles éliminent tous ceux qui tentent de se mettre au travers de leurs intérêts en Afrique, y compris les chefs d’États qui leur font obstruction, qui apparaissent comme éveilleurs de consciences. Le but étant garder les Africains dans l’obscurantisme et conserver avec sérénité les avantages de ce continent qui les a enrichis hier, qui continue de les enrichir aujourd’hui et dont ils espèrent s’en emparer définitivement demain.
Pour finir
Il faudrait que certains dirigeants Africains, sous la tutelle de la France sachent que leurs pays demeureront des « non pays », aussi longtemps qu’ils ne se rapprocheront pas des puissances comme la Russie et la Chine afin de tenir la France à distance respectable de leurs richesses, aussi longtemps qu’ils laisseront perdurer les bases militaires françaises sur leurs territoires, aussi longtemps qu’ils se contenteront, eux et leurs populations, d’être ces éternels importateurs des biens, commodités et services, que leurs pays peuvent pourtant produire s’ils s’en donnent les moyens et la volonté, puisque tout ou presque l’essentiel des ressources naturelles et matières premières sont en Afrique.
Alain Bengono