Musique : Bantous de la capitale,  » déboulement des pompiers » !

Qualifiée d’année maudite pour les nombreuses calamités, qui l’ont jalonnée, 2020 a aussi eu-heureusement- quelques éclaircies, sous forme de microclimat, qui ont fait l’affaire de certains acteurs. Ainsi des Bantous de la capitale, dont l’horizon commence progressivement à se dégager, suite au succès d’une médiation entamée, justement l’année dernière, par un collège de sympathisants. Seraient-ce là les prémices du beau temps, après l’orage ?

Monument de la rumba mondiale, portant à ce titre l’étendard de la musique congolaise, les Bantous de la capitale traversent une passe difficile depuis un certain temps. Pas besoin d’être grand clerc, ni même « Nostradamus » pour le deviner. Un faisceau d’indices concordants le révélait bruyamment, dont le plus alarmant est leur longue absence sur scène, corolaire de leur disparition sur le marché du disque. Cette situation a suscité l’inquiétude de ses mélomanes, dont certains ont pris l’initiative de se pencher à son chevet. Et le diagnostic est sans appel ! Les Bantous souffrent d’une insuffisance fonctionnelle et logistique, qui réclame des mesures salvatrices immédiates, pour sa remise à flot. Aux allures de ballet diplomatique, la première d’entre elles, vient de connaitre son épilogue le samedi 2 janvier 2021, à l’hôtel Olympic Palace de Brazzaville, par la mise en place d’un comité de direction, dit comité Bantous.

COMITÉ BANTOUS : UN ACCOUCHEMENT DANS LA DOULEUR

C’est ainsi qu’est né le Comité Bantous, qui a pour président le mécène et sympathisant Maurice Nguesso. En effet, le projet de la restructuration de cet orchestre « mijotait » dans les coulisses du microcosme musical depuis quelque temps. S’il n’est pas plus tôt arrivé à « cuisson », c’est parce qu’il achoppait sur certains obstacles, liés à l’histoire de cet orchestre. D’après quelques indiscrétions, sorties des « bouches autorisées », selon le jargon actuellement en vogue, des inimitiés, fort endurcies entre certains musiciens, en neutralisaient l’aboutissement.

Il s’agirait de querelles d’hommes, où les questions d’égos et de leadership seraient en première ligne. Ces problèmes auraient, notamment prospéré sur le terreau du vide laissé par la disparition de ses pères fondateurs, que sont Edo Nganga , Nino Malapet, Essous, Célestin Nkouka , dont l’autorité s’imposait plus naturellement.

Selon les termes de son acte de naissance, ce comité a pour objet de remettre l’orchestre à flot, en « soutenant les actions de développement, de coopération, de formation, de production et de partenariat ». En clair, sa mission consiste à organiser, administrer et manager l’orchestre, de façon à lui donner les moyens de ses ambitions artistiques. Quitte à s’inspirer de modèles déjà éprouvés ailleurs, selon la logique du benchmark.

Le pari de ce Comité Bantous, affirme prosaïquement le grand chroniqueur musical Clément Ossinondé, est d’« assurer l’équilibre de l’orchestre et de toujours veiller à conjuguer le dynamisme économique, la vitalité culturelle et la cohésion sociale ». Nobles missions, mais, qui au regard de la situation actuelle, sont loin d’être une sinécure. Une des priorités pourrait être de réfléchir à la meilleure forme juridique que peut revêtir l’orchestre, par rapport à son domaine et à sa taille. Puis de lui doter de moyens initiaux suffisamment puissants, susceptibles de lui assurer une certaine indépendance.

D’autant que, dominée aujourd’hui par la numérisation, l’économie de la musique permet aux artistes de pouvoir vivre du fruit de leur travail, lorsqu’ils sont performants. Car plus l’orchestre excelle, plus il attire les mécènes et les annonceurs, qui demeurent encore les plus grands pourvoyeurs de fonds. Alors de deux choses l’une : soit les musiciens remettent le cœur à l’ouvrage, pour faire regagner ses lettres de noblesse à l’orchestre, soit ils retournent à leurs vieilles habitudes, avec pour seule perspective pour les Bantous, la peine capitale !                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          COMPOSITION INTÉGRALE DU COMITÉ

  • Maurice Nguesso : Président
  • Aimé Georges Tantsiba Okia : 1er Vice-président
  • Ghislain Joseph Gabio : 2ème Vice-président
  • Max Toussaint Loemba : 3ème Vice-président
  • Jacques Ongotto : Secrétaire général
  • Joseph Penaya : 2ème Secrétaire général
  • Florent Tomadiatounga : relations publiques, porte-parole
  • Blanchard Ngokoudi : Manager
  • Médard Milandou : Secrétaire chargé de la communication
  • Clémence Bayidikila : Trésorière générale
  • Fila Stella Angossio : Trésorière adjointe
  • Clarisse Kombo : Chargée des affaires sociales.
  • Côme Mountouari : Chef d’orchestre
  • Simon Mangouani : Chef d’orchestre adjoint,

L’analyse du casting révèle deux choses : son monolithisme, du point de vue de l’origine professionnelle de ses membres et son caractère pléthorique.

À quelques exceptions près, ces membres sont ou ont été des fonctionnaires. Sans procès d’intention, ce profil ne semble pas, a priori le meilleur pour diriger un orchestre relevant du secteur marchand, très avide de réactivité. Mais accordons-leur le bénéfice du doute. À ce problème s’ajoute un autre, celui de la voilure. Un « gouvernement » de quatorze personnes pour une si petite structure parait manifestement démesuré, avec des risques de conflits et de lourdeur.

D’autre part, pour que puisse tourner à peu près correctement tout cet attelage, il faudra que la discipline soit de rigueur, pour que règne l’autorité. Une autorité que le chef d’orchestre Kosmos, par exemple, dont nous avons plaidé le retour au sein de l’orchestre, aura bien besoin pour éviter la cacophonie.

En outre, manque dans cet organigramme un poste, celui du directeur artistique. Il a certainement été oublié. On peut en espérer la nomination dans les prochains jours.

Il faut évidemment souhaiter pleins succès à cette équipe, pour le rayonnement de la culture congolaise et le bonheur des mélomanes, surtout en ces temps de disette de bonne rumba. Ce genre musical, véhicule de notre culture, est aujourd’hui tristement délaissé par les orchestres jeunes, davantage focalisés sur les musiques dites urbaines. Un vrai tort qui lui est causé, au moment où précisément la rumba aspire au statut de patrimoine immatériel de l’humanité, auprès de l’UNESCO.

Guy Francis TSIEHELA

Chroniqueur musical

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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