Koffi Olomide : Cap sur Paris La Défense Aréna 2021    

Après la longue hibernation imposée par le covid19, le soleil brille de nouveau dans le ciel du spectacle vivant ! Un vrai soulagement pour les nombreux mélomanes qui trépignaient de renouer avec leurs idoles, à l’instar du grand musicien Koffi Olomidé, dit grand Mopao, de son vrai nom Christophe Antoine Agbepa Mumba. Le père du rythme Tchatcho est à l’affiche de Paris La Défense Aréna le 27 novembre 2021, sauf imprévu, pour ce qu’il appelle « le concert de sa vie ». De belles retrouvailles en perspective avec le public européen qu’il a perdu de vue depuis belle lurette. Mais comme toujours en pareilles circonstances, les trouble-fêtes s’en mêlent pour jouer leur propre partition, jetant une ombre inattendue au tableau de l’évènement : « au fait, qu’est-ce qu’il est allé chercher là-bas, dans cette galère de concert, trop grand pour lui ? », « Quoi, ce sont les vapeurs du pet de Bercy qui lui gonflent la tête » ? s’interrogent le gondwanais (Africain vivant dans son pays).

Dans une espèce de trivialité mêlée de frivolité, voilà le genre de réflexions qui s’échappent du tréfonds des maquis africains, de Kinshasa à Brazzaville, en passant par Libreville, Abidjan, Yaoundé, Lomé et ailleurs. Et la diaspora, les « mbenguistes » d’y aller de leur grain de sel, comme en écho. Au créneau, les mamans-gourous du marché parisien de Château-Rouge, fortes en gueule, reconnaissables à leur imposante silhouette, crachant du feu à tout va, tels des dragons, à la moindre hostilité rencontrée. En fait, tout se passe comme si l’arroseur s’était fait arroser. Koffi Olomidé himself, fieffé polémiste devant l’éternel, se voit littéralement descendre en flamme, en règlement de vieux comptes, sans doute, par des non moins fieffées commères, songi- songi, kongossa et tout le toutim. Ces redoutables dames qui font la pluie et le beau temps de l’opinion africaine à Mbenguè (Europe), il vaut mieux, en effet les avoir avec soi que contre soi !

Prétentieux par les bords, dans « Suivez le guide », l’un des titres de son mythique album « Effrakata », paru à l’aube des années 2000, Koffi Olomidé revendiquait le statut de pionnier de la musique africaine. Est-ce pour conforter cette ambition qu’il s’embringue ainsi hors de sa zone de confort, s’obligeant à « péter, peut-être plus haut qu’il en a le derrière » ?

Paris La Défense Aréna : La cour des grands

À tort ou à raison, de tout temps, les fantasmes et la rumeur font porter à Koffi Olomidé tous les maux de l’humanité, un peu comme la fameuse boite de Pandore de la mythologie grecque. Cela n’a jamais échappé à l’accusé, qui à force, a fini par se forger une carapace doublée d’un sens aigu de la répartie, frisant le fil rouge de sa chanson : Antoine, l’infortuné, Antoine, makila mabé, (Antoine de mauvais sang), se plaint-il dans « Apostolu ya bolingo », par exemple, une complainte chantée au milieu des années 80, en collaboration avec feu le grand Josky Kiambukuta. Ou bien dans « Droit de l’homme » ou encore dans « Tchacho du sorcier », pour ne citer que ces chansons-là.

Par ailleurs, solide intellectuellement, Koffi Olomidé semble s’être emparé du fardeau de la promotion, à l’international de la rumba congolaise, candidate à l’inscription au patrimoine immatériel de l’humanité à l’UNESCO. Plus globalement, le devenir de ce genre musical, menacé dans le contexte international actuel, du fait notamment de la numérisation, parait le tenir à cœur. L’ascendant pris ces derniers temps par les sonorités anglophones, particulièrement l’afrobeats nigérian, bénéficiant de la puissance de feu des réseaux USA, constitue pour lui et certains états-majors de la rumba, un vrai sujet de préoccupation.

En effet, toute l’histoire musicale de grand Mopao, dont on croyait avoir atteint l’apogée au concert de Paris-Bercy-18.000 places tout de même- en février 2000, porte les cicatrices de ce combat loyal. Lequel avait déjà été amorcé, en leur temps, il est vrai, par ses aînés comme Joseph Kasélé dit grand Kallé, Tabu Ley Rochereau, Franco Luambo Makiadi, Pamelo Mounka, Edo Nganga etc.

Surfant sur ses succès antérieurs, Koffi Olomidé vogue désormais vers des horizons plus lointains : Paris La Défense Aréna. Sur les pas des Rollings Stones, Kassavs, Patrick Bruel…Quel culot ? Dans une salle qui est la plus grande d’Europe, et la deuxième du monde, avec une capacité avoisinant les 40.000 places. Un challenge titanesque que Koffi Olomidé, le grand Mopao n’a pu empoigner que parce qu’il le croit véritablement à sa portée. Car, dans « Itinéraire », l’un des titres de son excellent album « Loi », il dit avoir reçu de sa mère, le précieux conseil de ne jamais engager des combats perdus d’avance ! En vérité, cette salle est déjà en soi tout un spectacle ! Pour ses innovations technologiques, son acoustique de pointe, ses 44 vidéoprojecteurs, son système de diffusion du son et des lumières de dernière génération. Autant de raisons faisant de ce gigantesque vaisseau, l’un des plus prisés, mais commercialement réservé à un tout petit comité d’artistes.

Dans « Etoile d’Etat », où il chante la femme, son thème de prédilection, il rappelle, non sans ironie, une évidence, sous forme de boutade.  En réalité, une pierre aveugle (libanga na molili), bien taillée, comme il en a le secret, gentiment adressée à quelques adversaires, qui ont dû apprécier : « être grand ne veut pas dire mesurer deux mètres » ! En effet, la taille ne fait pas l’Homme. Pas plus qu’elle ne fait l’artiste, dont la valeur se doit d’être mesurée à l’échelle de son œuvre, qu’à son gabarit physique de « pacotille », pour le coup ! Avis, semble-t-il adressé aux artistes perches qui voudraient « candidater » à cette salle, maintenant que la voie est ouverte par…le guide !

Un concert légendaire pour un musicien légendaire

Avouons-le, camper un demi-siècle durant au firmament des hits parades musicaux comme l’a fait Koffi Olomidé, relève littéralement de la légende. Sans l’ombre d’une moindre complaisance, rarement, dans l’histoire de la musique, musicien n’a eu une trajectoire aussi rectiligne, tout en vitesse de croisière, presque sans trou d’air, dans la durée du temps. Le Béninois Gabin Gada avait justement dit du temps qu’il « est le meilleur juge ». Et là, il semble avoir tranché : l’artiste est entré dans la légende !  La collection de titres qu’il a engrangés tout au long de sa carrière en témoignent. Le Prix Happaward qui vient de lui être décerné, récemment aux USA l’a d’ailleurs été à ce titre. Alors que son prochain album s’appelle « Légende » s’inscrit complètement dans le sens de l’histoire. Mais, au risque de lâcher la proie pour l’ombre, revenons au concert, le « concert de sa vie ».

Pour suggérer à Koffi Olomidé d’implorer ardemment Apollon, le Dieu de la musique, qu’il descende neutraliser ce satané Covid19, pesant telle une épée de Damoclès sur cet évènement, rappelons-le, qui a déjà été reporté. D’autant que hormis cet aléa sanitaire, toutes les autres conditions paraissent réunies pour faire tenir toutes ses promesses à ce rendez-vous capital.

Ce concert arrive à point nommé, à un moment où le public a soif de se divertir, après tant de temps de privations. D’ailleurs, s’agissant de Koffi Olomidé, ce temps est encore plus long, remontant à plus d’une décennie. Or entretemps, par le jeu de multiples collaborations Koffi Olomidé a élargi sa fan base, au-delà du continent africain. Ensuite, Koffi Olomidé, le double King, de son autre sobriquet- polémique, détient une botte secrète : Cindy le cœur. Cette chanteuse à la voix angélique qui a éclos dans « Quartier Latin », son orchestre, juste après le départ de Fally- Ipupa. Elle connait un tel succès que de nombreux mélomanes voudront certainement la vivre en live.

Enfin, facteur déterminant, l’attention que portent désormais les médias sur Koffi Olomidé n’a rien à voir avec les furtives allusions d’antan. Aujourd’hui, le grand Mopao a bien pignon sur rue. Plus un seul de ses séjours européens ne s’achève sans qu’il ne soit invité sur une chaine télé ou radio de renom. Et aux côtés des médias classiques, la communication de Koffi Olomidé se montre active sur les réseaux sociaux, dont on connait la puissance virale.

Tout compte fait, le grand Mopao détient toutes les cartes en main pour marquer l’histoire. Il lui faut juste savoir s’en servir pour la circonstance. À cette fin, il devrait revisionner ses précédents concerts, à la recherche d’éventuelles failles. Et s’astreindre à relire la presse de l’époque, dans ses aspects critiques. L’alchimie devrait consister à confectionner un répertoire et des chorégraphies suffisamment variés pour entrainer toute la salle et suffisamment torrides, pour maintenir l’ambiance à un bon niveau, dans un concert peut être plus raccourci et mieux « scénographié ». Les collaborations sur scène avec ses guest stars pouvant servir d’appoint pour éviter la monotonie. Tout ceci est plus facile à dire qu’à faire, mais reste à mon avis, dans les cordes… vocales et guitaristiques du Grand Mopao !

Guy Francis TSIEHELA

Journaliste chroniqueur musical

 

 

 

 

Laisser un commentaire