Chronique :  Musique et lutte pour les indépendances aux « Congo », une histoire imbriquée

L’art en général et la musique, en particulier sont des véritables miroirs de nos sociétés. Ils en portent la marque du temps et de l’espace, tels des stigmates, au point où quelques fois, il peut paraitre plus avisé de les consulter, que de lire les manuels d’histoire, lorsque l’on veut s’enquérir des faits sociaux, politiques, culturels… d’une société donnée, à une certaine époque.

Au moment où l’on célèbre, peu ou prou, les soixante ans des indépendances des anciennes colonies françaises d’Afrique, il nous est paru intéressant de revisiter, brièvement cette relation art-société, pour mieux se projeter. Car si la lutte anti coloniale est par nature politique, nombre de ses expressions, comme pour se camoufler, revêtaient des visages improbables, de type économique, social, culturel…

La colonisation pour anéantir les cultures autochtones  

D’entrée de jeu, il importe de rappeler que la colonisation, en tant que figure de l’impérialisme, visait, stratégiquement, entre autres, à anéantir les cultures autochtones, pour mieux asseoir sa domination. De ce point de vue, le système colonial français, fondé sur l’assimilation était l’une des plus écrasantes, en comparaison avec le système anglophone, par exemple, qui lui, assis sur le principe de l’association (indirect rule) ménageait- du moins en théorie- les spécificités culturelles de chaque peuple. Les prémices du multiculturalisme, sans doute.

L’on se souvient aussi que les milieux intellectuels africains, souvent installés en métropole, ont été les fers de lance des mouvements anticolonialistes, à l’instar de la Négritude. Or, la musique, à l’époque était un véritable « repaire » d’intellectuels. Et c’est donc tout naturellement qu’elle va contribuer, de manière multi forme et décisive à la lutte anti coloniale, par la dénonciation d’abord, puis en participant à la construction des identités nationales et de l’imaginaire collectif, à l’égard du système colonial.

Indépendance cha cha, le son de l’avenir politique du Congo-Belge

En ces temps de célébration des indépendances, nous avons choisi de mettre à l’honneur, une chanson des plus symboliques de ce phénomène, à savoir « Indépendance cha cha », d’illustre mémoire. Elle a été composée par Joseph Kabasélé et son African Jazz, en juin 1960, dans le sillage de la table ronde, à Bruxelles, au cours de laquelle allait se décider l’avenir politique de l’ex Congo-Belge (aujourd’hui République Démocratique du Congo). Ayant traversé le temps, sans coup férir, cette chanson trône encore aujourd’hui, en tant qu’hymne des indépendances africaines, dans leur globalité, grâce à son fondement panafricain.

Les musiques des deux rives du fleuve Congo sont historiquement sœurs et concurrente à la fois. Aussi pour célébrer l’indépendance du Congo-Brazzaville, les Bantous de la Capitale ont-ils dû lancer une chanson « rivale », « Mokili ». Mais celle-ci, arrivée avec un « train de retard » sur l’autre, ne connaitra qu’un succès mitigé. Étant l’un des orchestres les plus prisés du continent à cette époque, les Bantous seront invités partout, sillonnant toute l’Afrique de l’Ouest et du Centre, au rythme des indépendances : Togo, Benin, Tchad, Centrafrique, Sénégal, Côte d’Ivoire.

À Brazzaville la capitale de la République du Congo, le 15 août 1960, jour de l’indépendance, ce sont les Bantous de la capitale qui, naturellement auront le privilège de couvrir les festivités y afférentes, aux côtés d’African Jazz, en présence d’André Malraux, représentant le Général de Gaulle.

Quel que soit l’angle de vue, l’art, particulièrement la musique parait être la superstructure, cette caisse de résonnance de la société, en tant qu’infrastructure, dont elle véhicule les préoccupations, dans ce qu’elle a de plus noble que de pire. L’œuvre de la musique dans le processus d’accession à l’indépendance n’apparaissant finalement que comme l’arbre qui cache la forêt.

Guy Francis TSIEHELA

Chroniqueur musical

 

Voici ci-dessous les textes de la chanson « indépendance cha cha », en lingala, puis en Français.

Independance Cha-cha to zuwi ye!

Oh Kimpwanza cha-cha tubakidi

Oh Table Ronde cha-cha ba gagner oh !

Oh Lipanda cha-cha tozuwi ye!

Independance Cha-cha to zuwi ye!

Oh Kimpwanza cha-cha tubakidi

Oh Table Ronde cha-cha ba gagner oh !

Oh Lipanda cha-cha tozuwi ye!

ASORECO na ABAKO

Bayokani Moto moko

Na CONAKAT na CARTEL

Balingani na FRONT COMMUN

Bolikango, Kasavubu mpe Lumumba na Kalondji

Bolya, Tshombe, Kamitatu, oh Essandja, Mbuta Kanza.

Independance Cha-cha to zuwi ye!

Oh Kimpwanza cha-cha tubakidi

Oh Table Ronde cha-cha ba gagner oh !

Oh Lipanda cha-cha tozuwi ye!

Na MNC, na UGECO

ABAZI, na PDC

Na PSA, na African Jazz na Table Ronde mpe ba gagner !

Independance Cha-cha to zuwi ye!

Oh Kimpwanza cha-cha tubakidi

Oh Table Ronde cha-cha ba gagner oh !

Oh Lipanda cha-cha tozuwi ye!

Independance Cha-cha to zuwi ye!

Oh Kimpwanza cha-cha tubakidi

Oh Table Ronde cha-cha ba gagner oh !

Oh Lipanda cha-cha tozuwi ye!

 

  • Français.

Indépendance cha cha nous avons gagné !

Nous sommes enfin libres

Oh Table ronde cha cha nous avons gagné !

Indépendance cha cha te voilà enfin entre nos mains !

Indépendance cha cha nous avons gagné !

Nous sommes enfin libres

Oh Table ronde cha cha nous avons gagné !

Indépendance cha cha te voilà enfin entre nos mains !

L’ASSORECO et l’ABAKO comme partis (politiques)

Comme un seul homme ils ont signé le pacte

Associant la CONAKAT et le CARTEL

Ils se sont unis en front commun

Bolikango, Kasavubu avec Lumumba et Kalondji

Bolya, Tshombe, Kamitatu, oh Essandja, Mbuta Kanza.

Indépendance cha cha nous avons gagné !

Nous sommes enfin libres

Oh Table ronde cha cha nous avons gagné !

Indépendance cha cha te voilà enfin entre nos mains !

Le MNC, l’UGECO

L’ABAZI, le PDC

Le PSA, avec African Jazz à la Table Ronde nous avons gagné !

Indépendance cha cha nous avons gagné !

Nous sommes enfin libres

Oh Table ronde cha cha nous avons gagné !

Indépendance cha cha te voilà enfin entre nos mains !

Indépendance cha cha nous avons gagné !

Nous sommes enfin libres

Oh Table ronde cha cha nous avons gagné !

Indépendance cha cha te voilà enfin entre nos mains !

 

 

 

 

 

 

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