Afrique subsaharienne : cette surmortalité qui ne choque personne

Dans de nombreux pays européens, d’Amérique du nord et asiatiques, l’espérance de vie humaine tourne autour de 80 ans… Hormis les accidents de la route, les meurtres, les suicides, etc. qui ôtent prématurément la vie aux gens, beaucoup décèdent vieux, voire très vieux. Voilà des sociétés où, parce que l’espérance de vie avait été jugée très courte, il y a longtemps, des hommes et des femmes se sont battus et se battent encore aujourd’hui, ont usé et usent encore de leur intelligence, sur les plans de la science et de la médecine, de la qualité de l’alimentation, de l’hygiène et de la salubrité… pour la rallonger un peu plus, cette espérance de vie, pour essayer de vivre plus longtemps et en relative bonne santé. Dans ces sociétés, moins fatalistes, lorsqu’un homme, même très âgé, meurt de suite de maladie, cela est souvent considéré comme un échec pour la science et la médecine. Et s’il est plus jeune, cela est carrément vécu comme un drame.

La surmortalité

Pendant ce temps, en Afrique subsaharienne,  les femmes et les hommes, eux, décèdent plus facilement, souvent de malnutrition et de faim, parfois d’accidents de la route, épisodiquement de conflits de guerre et de grande criminalité, mais régulièrement de maladies, quelque soit l’âge, surtout jeunes pour la plupart, voire très jeunes. L’espérance de vie y tourne autour de 60 ans, et encore ! Parce que dans certains pays comme le Botswana, la République centrafricaine, le Tchad, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Nigeria, etc. elle est encore très en dessous de ces 60 ans. Il est donc assez étonnant que la mort puisse si facilement frapper, à tout âge, jeunes surtout, voire très jeunes, des personnes qui ont la réputation d’avoir des physiques d’une résistance presque proverbiale. Mais il est encore plus étonnant que dans ces régions, l’on ne puisse pas s’en inquiéter, que l’on ne puisse pas s’interroger et en chercher les causes. Les Africains subsahariens, pieux dans leur immense majorité, apparaissant plutôt comme fatalistes, trouvent cela normal, voire naturel. « C’est Dieu qui donne et c’est lui qui reprend «  consentent-ils souvent, face à tous ces drames. Or, la mortalité y est si présente, si impressionnante que l’on devrait plutôt parler de surmortalité. Et à ce stade, ce n’est plus du tout normal ou naturel.  À ce niveau, il faut forcément en chercher les causes et pouvoir les corriger, comme ont fait les autres.

Les causes de la surmortalité

De quoi meurt-on si facilement et si abondamment en Afrique subsaharienne? Et pourquoi ? Passons rapidement sur les accidents domestiques, sur tous ces morts issues des drames sentimentaux, sur ceux des empoisonnements criminels, sur les effets funestes de la sorcellerie, voire sur ceux de la grande criminalité, les morts multiples des guerres frontalières, civiles et fratricides.

Accidents de la route

Pour nous arrêter un instant sur les morts d’accidents de la route que l’on pourrait pourtant éviter, en améliorant les infrastructures qui, pour la plupart sont désuètes. Des routes sont étroites, concassées et crevassées, sans panneaux de signalisation, sans éclairage de nuit, où des chauffeurs faisant de longue distance, sont parfois épuisés et même alcoolisés. Ils vont régulièrement vite, avec des permis de conduire pas toujours authentiques et quelquefois, au volant d’automobiles dont les contrôles techniques ne sont pas forcément au point, etc. Mais, insistons sur les drames les plus funestes, ceux-là qui, entrainent tout silencieusement les populations vers la mort, et qui ont pour noms : pauvreté, maladies…et les soins y relatifs, ou plutôt les « non soins ».

 Malnutrition et famine

Ce qui tue le plus en Afrique subsaharienne depuis des décennies, c’est d’abord une alimentation insuffisante, pas toujours équilibrée, la malnutrition, la famine. 25000 personnes meurent de faim chaque jour dans le monde et en plus grands nombres en Afrique subsaharienne. Cela étant le résultat de la pauvreté. Mais le plus grave ce sont les maladies. Laissons d’abord de côté  l’épouvantail qu’est le coronavirus, qui a bon dos, et à qui l’on prête l’essentiel des morts en Afrique depuis quelques temps.  Ce qui tue le plus en Afrique subsaharienne ce sont toutes ces maladies cardiovasculaires, pulmonaires, cancéreuses, que les populations contractent en prenant des produits psychotropes manufacturés, aux origines douteuses. Du tabac de contrebande, dont les teneurs en nicotine, en arsenic, en toxine, en cyanure d’hydrogène n’ont pas été forcément contrôlées.

Il y a également les problèmes de foie, de pancréas, de cerveau, de diabète, de dépendance, bref, ce sont toutes ces centaines de maladies liées à la consommation ininterrompue de boissons alcoolisées. Et quelles boissons ? Des nectars frelatés, voire empoisonnés qui, pour la plupart, sont de pales copies, des contrefaçons des boissons étrangères, fabriquées clandestinement et dans lesquelles l’on retrouve des alchimies invraisemblables, des teneurs en alcool non codifiées et non contrôlées.

 Absence d’eau potable et paludisme

Qui dire des anémies, les ascaridiases, le choléra, les maladies diarrhéiques, les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes, les hépatites ? Forcément, toutes ces maladies liées à une absence d’hygiène et de salubrité, à laquelle s’ajoute la consommation d’une eau non potable, pendant une longue période. Ce qui tue le plus en Afrique subsaharienne, c’est le paludisme, qui y est d’ailleurs l’une des premières causes de mortalité, et qui provient aussi de l’eau, en tout cas, des larves de plasmodium déposées par les anophèles femelles dans les puits d’eau, les étangs, voire les cours d’eau, que les populations utilisent pour de nombreux usages domestiques, et qu’elles boivent régulièrement, faute de mieux. Le problème c’est aussi, à la base, cette insalubrité ambiante et toutes ces maladies, qui se contractent et se développent assez rapidement.

 Des systèmes de santé foireux

Mais le pire c’est l’absence de systèmes de santé fiables. Au cœur des mouroirs que sont les hôpitaux, règnent des personnels médicaux, mercantilistes à souhait, pas forcément compétents, qui ont oublié le serment d’Hypocrate depuis longtemps. Ce sont de véritables mercenaires en blouse blanche qui ne prennent en charge que des patients ayant de l’argent en mains, tout en laissant facilement crever ceux totalement désargentés. Et quand bien même ils décident de vous prendre en charge, les ordonnances qu’ils vous délivrent sont de vrais passeports pour la mort car, – et les pauvres Africains sont loin de s’en douter-  les médicaments qui se trouvent dans les comptoirs des pharmacies et vers lesquels les patients se ruent le plus souvent avec de réels espoirs de guérison, sont loin d’être ce qu’on croit. Beaucoup de ces médicaments sont de ceux qui depuis 10, 20, voire 30 ans, ne sont plus autorisés dans les pays européens. La plupart sont tout simplement de faux médicaments, des imitations, qui ressemblent aux vrais et qui proviennent d’officines clandestines, étrangères ou locales, bref, de véritables poisons lents, qui tuent en silence.

Les Africains sont  des otages de systèmes de santé les plus funestes. Totalement désemparés et impuissants face à ce drame, nombre d’entre eux, n’ont parfois plus le courage d’aller dans les centres de santé. À commencer par les dirigeants eux-mêmes qui, régulièrement, vont se faire soigner à l’étranger et certaines autres personnes, financièrement aisée, quelquefois.  Pour tous les autres citoyens, suffisamment démunis, il leur reste souvent quelques choix : l’automédication, la route vers les guérisseurs traditionnels ou les chemins qui mènent vers les pasteurs exorcistes des multiples églises réveillées, qui leur font croire aux miracles des prières, au nom de Jésus. Malheureusement, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des attentes. Voilà l’un des plus grands drames silencieux d’une grande partie du continent africain dont on parle peu. Les intérêts sont ailleurs notamment dans la politique. Ils se battent pour le pouvoir politique, pour le partage des pouvoirs, pendant que les populations continuent de mourir, en silence, en nombre et à tout âge. Probablement pour le bonheur de ceux qui veulent l’Afrique sans les Africains.

Alain Bengono

 

Laisser un commentaire