dimanche 19 octobre 2025
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Paul Biya en 2025 : L’éternel candidat ou la succession en boucle fermée

L’événement politique le plus prévisible du siècle camerounais vient de se produire : le Président Paul Biya, 92 printemps bien tassés au compteur, a officiellement déclaré sa candidature pour briguer un… énième mandat lors de l’élection présidentielle du 12 octobre prochain. La nouvelle a suscité une onde de choc d’une intensité comparable à celle d’un coussin qu’on retourne sur le fauteuil du Palais d’Etoudi. Le suspense était insoutenable : allait-il ou n’allait-il pas ? La nation retenait son souffle, ou peut-être était-ce simplement la climatisation centrale du palais présidentiel qui ronronnait un peu trop fort.

Dans une déclaration lue d’une voix que l’on devine empreinte d’une gravité séculaire par un porte-parole particulièrement entraîné à ne pas sourire, le RDPC (son parti) a annoncé que « l’Homme du Renouveau », « le Sage de Mvomeka », « le Bâtisseur Infatigable » (rayez les mentions inutiles ou ajoutez-en selon l’humeur du service de communication), répondait une fois de plus à « l’appel pressant du peuple camerounais ». Un peuple dont la principale préoccupation, selon les derniers sondages non publiés, semble être de savoir si le prochain mandat verra enfin l’inauguration du métro de Yaoundé promis il y a trois décennies, ou simplement l’ajout d’une nouvelle aile au palais pour accueillir les archives des promesses non tenues.

Le Parcours d’un Combattant… Immobile 

L’Expérience, son Atout Maître  « Qui mieux que moi connaît les dossiers ? », semble être le sous-texte officiel. En effet, après 43 ans aux commandes (depuis 1982, un record mondial en activité), Paul Biya a eu le temps de voir défiler plusieurs générations d’opposants, de gouvernements, et de modes vestimentaires, tout en restant remarquablement constant dans son style de gouvernance : une présence discrète, entrecoupée de séjours prolongés dans des stations thermales helvétiques, et une gestion des affaires qui évoque plus la sédimentation géologique que la disruption numérique.

La Campagne Fantôme :

À quoi ressemblera la campagne de « l’élu du peuple » (auto-proclamé) ? Les observateurs s’attendent au strict minimum vital : peut-être une affiche officielle le représentant dans une pose majestueuse, légèrement retouchée pour gommer les outrages du temps (un défi Photoshop de taille), accrochée à côté de bâches électorales défraîchies des scrutins précédents. Des meetings ? Trop fatigant. Des débats ? Impensable. L’essentiel est que la machine du RDPC, bien huilée et omniprésente, fasse le travail sur le terrain, distribuant tee-shirts, sacs de riz et… consignes de vote.

L’Opposition : Un Choix Cornélien… ou Comique : Face au monument, l’opposition camerounaise ressemble souvent à une troupe de théâtre en quête d’un script cohérent. Divisions, manque de moyens, et parfois une certaine résignation face à un système verrouillé, laissent présager une énième élection où le vrai suspense résidera dans le pourcentage de participation officiellement annoncé et le score final du président sortant (90% ? 95% ? 99,99% ? La science statistique camerounaise est une discipline fascinante).

L’Étrange Jeunesse du Parti :

 Le RDPC, dans un sursaut de modernité communicante, pourrait tenter de mettre en avant ses « jeunes loups ». Des quinquagénaires dynamiques chargés de vanter la « vision futuriste » d’un nonagénaire, un exercice d’équilibre rhétorique qui mériterait un prix d’éloquence.

Le Cameroun peut dormir sur ses deux oreilles ! La stabilité, incarnée par sa présidentissime longévité, Paul Biya, est assurée pour sept années supplémentaires ! Oubliez les incertitudes du monde moderne, les défis du changement climatique ou les révolutions technologiques : ici, la seule constante, c’est Etoudi ! »

« Son programme électoral ? Un chef-d’œuvre de concision et de continuité : ‘Poursuivre l’Œuvre’. Un slogan aussi vague qu’imperméable à toute critique. Quelle œuvre ? Celle de Sisyphe, poussant son rocher de réformes promises vers un sommet toujours repoussé ? Peu importe, l’essentiel est la poursuite« 

Quant à sa vitalité, source de tant de spéculations malsaines, rassurez-vous ! Ses apparitions publiques, bien que rares comme les pluies hors saison, sont soigneusement chorégraphiées pour démontrer une forme olympique. Un signe de main depuis une limousine climatisée, une visite éclair dans une région paisible… preuves irréfutables d’une énergie débordante ! On murmure même qu’il battrait des records au sudoku et au jeu de pétanque virtuel.

La communauté internationale ?

 Elle observera, comme d’habitude, avec un mélange de cynisme et de résignation pragmatique. Quelques notes discrètes dans les rapports sur ‘les progrès de la démocratie’ (avec des guillemets invisibles mais bien présents), des félicitations pré-rédigées prêtes à être envoyées dès la proclamation des résultats, et on tourne la page. Le Cameroun, après tout, est un havre de stabilité dans une région troublée… surtout si on ne gratte pas trop le vernis

 Une succession… à soi-même

Le 12 octobre 2025 ne marquera donc pas un tournant, mais plutôt une nouvelle page  ou plutôt un copier-coller dans le long roman de la présidence Biya. C’est la candidature la moins surprenante de l’histoire, un rituel démocratique transformé en tradition immuable. Le véritable enjeu n’est pas qui gouvernera le Cameroun pour les sept prochaines années. La réponse est écrite depuis longtemps dans le marbre d’Etoudi, mais plutôt comment un système parvient à perpétuer ainsi son propre fonctionnement, dans une indifférence mondialisée teintée d’une pointe d’absurde.

Le peuple camerounais, lui, attendra. Avec patience, résignation, ou un petit rire jaune, selon les quartiers. Et le « Renouveau » ? Il semble toujours être programmé pour la prochaine saison, comme une série dont on connaît déjà la fin, mais qu’on continue de regarder par habitude. Le spectacle Biya, saison 44, est officiellement lancé. Préparez le pop-corn… ou plutôt le ndolè. Ça risque de durer encore un peu.

 

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