vendredi 26 décembre 2025
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Présidentielle en Centrafrique:  Vers un 3ème mandat pour Touadéra ?

En Centrafrique, ce dimanche, c’est jour de méga-production électorale : quatre scrutins en un seul coup, une offre groupée à faire pâlir les promotions de fin d’année. Municipales, régionales, législatives, présidentielle – tout doit passer en même temps, comme si le pays avait un urgent besoin de faire le plein de démocratie avant la fermeture des bureaux. Le clou du spectacle ? La candidature du « professeur » Faustin-Archange Touadéra, qui, après une révision constitutionnelle aussi subtile qu’un coup de marteau, vise un troisième mandat. La passe de trois, comme au basket, mais avec des enjeux légèrement plus élevés.
 
À Bangui, le centre-ville est un festival d’autopromotion : affiches, t-shirts, casquettes… Une vraie foire aux egos. Chaque candidat tente sa chance, mais plus on s’éloigne du centre, plus le visage rond du président sortant s’impose, sourire bienveillant, regard tourné vers l’avenir (et vers les panneaux publicitaires financés par la cagnotte du palais de la Renaissance). Ses deux principaux rivaux, Anicet-Georges Dologuélé et Henri-Marie Dondra, jouent les trouble-fêtes dans cette comédie électorale, mais avouent eux-mêmes : face aux moyens du camp présidentiel, ils font un peu figure d’amateurs dans un spectacle de grand budget.
 
Les partisans de Touadéra brandissent son bilan sécuritaire comme un trophée : finies les rébellions, place aux brigades de gendarmerie et aux tribunaux en province. Les groupes armés ? Soit ils refluent, soit ils signent des accords, comme s’ils étaient invités à une grande réconciliation nationale (avec clause de non-agression en bas de page). Le tout, bien sûr, sous le regard bienveillant des « spécialistes » russes, dont la présence est à la fois une assurance-tout-risque et un élément de décor exotique. Selon Alexandre Ivanov, figure régulière des médias russes en Afrique, ces derniers prennent leur mission « très au sérieux ». On les imagine, le sourire aux lèvres, protégeant les urnes comme le trésor national… Tout en exploitant généreusement le sous-sol centrafricain, gratuitement, pour le plus grand bonheur des habitants – enfin, surtout du groupe Wagner, devenu ici une sorte de service public privatisé.
 
Côté campagne, la machine présidentielle a répliqué la recette du référendum de 2023 : une organisation huilée, des associations de soutien qui distribuent cadeaux et promesses, et une stratégie de communication axée sur la « stabilité ». Les inaugurations de travaux publics s’enchaînent, offrant l’image d’un président bâtisseur. Les routes refaites, le corridor vers le Congo… De quoi donner l’illusion du progrès, selon l’opposition, qui rappelle que derrière les façades rénovées, les hôpitaux et les écoles tombent en ruine.
 
Dans les quartiers populaires, le quotidien est moins glamour. Livia, vendeuse de mercerie, constate que « même sur les boutons, les clients comptent leurs pièces ». Ruben, collégien, suit des cours à cent par classe, sans professeur de français ni d’histoire. « Avec tous les universitaires au pouvoir, on aurait pu croire que l’éducation deviendrait une priorité », soupire l’avocat opposant Crépin Mboli-Goumba. Mais non, apparemment, les mathématiques du président ne s’appliquent pas aux effectifs des salles de classe.
 
Les rivaux de Touadéra, eux, tentent de survivre dans un environnement électoral très contrôlé. Dologuélé, battu deux fois, a décidé de « ne pas laisser la chaise vide ». Dondra, ancien Premier ministre, joue la carte du technocrate responsable, tout en dénonçant les « dérives » post-départ. Tous deux ont dû batailler pour valider leur candidature, dans un climat de suspicions xénophobes digne d’un mauvais thriller politique.
 
Les autres candidats ? Quatre figurants dans ce grand spectacle, qui campent des rôles de « renouvellement », d’« opposant modéré » ou de « pasteur bienveillant ». Leur présence donne à l’élection un air de pluralisme, comme ces choristes qui font nombre dans un opéra dont la star est déjà connue.
 
L’Autorité nationale des élections, souvent critiquée pour ses retards, a promis d’être « prête » pour le 28 décembre. Avec le soutien de la Minusca, elle a déployé du matériel dans plus de 6 000 bureaux de vote, où 2,4 millions d’électeurs glisseront leurs bulletins dans quatre urnes séparées. Un véritable parcours du combattant démocratique.
 
Alors, vers la passe de trois pour Touadéra ? Tout le monde semble le croire, sauf peut-être ceux qui, dans l’intimité de l’isoloir, décideront de jouer les trouble-fêtes. En attendant, le spectacle continue, entre inaugurations en fanfare, promesses de dividendes socio-économiques et rappels discrets que, malgré les beaux discours, la marmite reste souvent vide. La démocratie centrafricaine, comme ses routes, a encore quelques ornières à boucher.

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