Libreville: Le marché aux moutons du pont d’Akébé prépare déjà sa tabaski!
À deux pas de l’effervescence du centre-ville, le marché aux moutons du pont d’Akébé ressemble à un safari urbain. Des enclos de fortune colonisent les trottoirs, tandis que des béliers aux cornes majestueuses rivalisent de volume sonore. La tabaski c’est cette fin de semaine mais l’heure est depuis quelques jours aux négociations parfois musclées. Le Gabon, où 10% de la population est musulmane, importe près de 80% de son cheptel du Cameroun voisin. Résultat : les prix oscillent entre 150.000 et 500.000 FCFA par tête. Pour les familles, l’art du regroupement devient une stratégie de survie financière.
Les vendeurs, entre luxe ovins et réalisme économique
Originaire du Niger, Abdellah Sarki a troqué ses camions contre un élevage éphémère. Dans son enclos climatisé (si, si !), des moutons gambadent sur du foin « Regardez ce bélier, il mange des granulés bio et passe des check-up vétérinaires deux fois par mois ! À 380.000 FCFA, c’est une Rolls. Les Gabonais aiment la qualité… même si certains me traitent de « voleur à cornes » », rigole-t-il, ajustant sa djellaba.
Issa Ondo, ce jeune Gabonais, converti à l’islam, tente sa première « opération Tabaski ». « Papa Mamadou m’a initié. Bon, mes moutons mangent des épluchures de manioc, pas du caviar… Mais à 180.000 FCFA, ils sont deux fois plus saints qu’un compte en banque ! ». Sa stratégie ? Attirer les clients avec des « offres groupées » : un mouton acheté, une prière offerte.
Devant un bélier au regard ténébreux, Ousmane Ébinga, père de famille, compte méticuleusement ses billets. « Avec trois voisins, on a créé une tontine spéciale Tabaski. Chacun met 50.000 FCFA, et on tire au sort qui garde la tête… et les abats. Cette année, c’est ma femme qui veut les reins : elle dit que ça porte chance aux concours de danse ! ». Son budget total ? 200.000 FCFA pour un animal acheté à quatre.
Écharpe colorée et sac à main en bandoulière, madame Diallo inspecte les dents d’un mouton comme une pro. « Ceux d’Abdellah sont trop chers ! Moi, je viens à 5h du matin quand les Peuls débarquent du Cameroun. Là, j’ai dégoté un costaud à 150.000 FCFA… après une heure de négociation. J’ai même menacé d’adopter un poulet à la place ! » .
Au milieu du brouhaha, Jacques, un catholique, achète un mouton pour la troisième année. « Ma femme adore le thiéboudienne au mouton, et mes enfants courent après les bêtes comme au zoo. C’est notre façon de célébrer la diversité… et d’éviter les regards jaloux des voisins ! ». Un phénomène courant : près de 30% des acheteurs ici ne sont pas musulmans.
Le saviez-vous ?
Logistique infernale : Les moutons arrivent du Cameroun dans des camions surchargés. « Parfois, les bêtes arrivent avec des lunettes de soleil tellement le trajet est chaotique », blague un berger peul .
La Tabaski, une comédie humaine sacrée
Alors que le soleil cogne sur les toiles de tente, le marché d’Akébé vibre d’une énergie drôle et touchante. Entre les moutons stars, les négociations théâtrales et les alliances improbables, la Tabaski reste une fête où le partage l’emporte sur le porte-monnaie. Comme le résume un imam croisé près d’un enclos : « Ici, même ceux qui pleurent leur compte en banque finissent par rire… surtout quand le mouton s’échappe ! ».