Gabon-UE : le coup de filet présidentiel dans la mer aux thons.
Dans un mouvement diplomatique aussi inattendu que tendu, le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema a revisité, mercredi 4 juin, l’accord de pêche liant son pays à l’Union européenne depuis 2007. Motif officiel : un partenariat « profondément déséquilibré » où le Gabon « se contente des miettes pendant que l’UE rafle le poisson ».
La scène se joue en Conseil des ministres. Le ton est sans appel : « Les recettes ne compensent ni la valeur réelle des captures, ni les coûts de surveillance assumés par le Gabon », tonne le communiqué gouvernemental. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 37 navires européens (espagnols et français) pêchent jusqu’à 32 000 tonnes de thon par an dans les eaux gabonaises, pour une contrepartie financière de 2,6 millions d’euros annuels – dont seulement 1 million est dédié au développement local.
Pendant ce temps, à l’UE…
« Nous avons accueilli cette décision avec surprise… », réagit Cécile Abadie, ambassadrice de l’UE au Gabon, dans un entretien fleuve à Gabonactu. « C’est une coopération ancienne, conçue pour soutenir des intérêts mutuels ! », plaide-t-elle, soulignant que les prises européennes se limitent strictement aux « surplus » ignorés par les pêcheurs locaux.
Le poisson qui fâche : anatomie d’un divorce annoncé
Un deal jugé « léonin » par Libreville. Pillage des ressources ? Les autorités gabonaises redoutent des « risques accrus de surexploitation » sans mécanismes transparents de suivi scientifique. Zéro valeur ajoutée locale : le poisson, expédié directement vers l’Europe sans transformation sur place, prive le Gabon d’emplois et d’investissements industriels. « Le comble de la néo-colonisation économique », ironise un commentateur Facebook. Le gouvernement vise à augmenter la contribution de la pêche au PIB (actuellement de 15%), via une « économie bleue » contrôlée localement.
L’UE joue la carte de l’innocence
Face aux accusations, Cécile Abadie botte en touche :
« Les quantités de pêche autorisées reposent sur des avis scientifiques émanant d’organisations dont le Gabon est membre ! ». Elle rappelle aussi que le protocole – renouvelé en 2021 jusqu’en 2026 – inclut des clauses contre la pêche illégale et un soutien à la gouvernance maritime… avant d’ajouter, perfide : « Attendons de voir si Libreville dénonce aussi les protocoles techniques ».
Sous la ligne de flottaison, les vrais enjeux
Le Gabon emboîte le pas au Sénégal, qui a rompu ses accords avec l’UE en 2024 pour « protéger ses pêcheurs appauvris ». Une tendance qui inquiète Bruxelles. L’ironie de l’histoire : L’UE s’apprêtait justement à lancer des négociations en 2025 pour renouveler le protocole expirant en 2026. La rupture anticipée sonne comme un camouflet.
Le piège de la sardine : et maintenant ?
La balle est dans le camp de Bruxelles. Si l’UE « regrette » la méthode unilatérale, elle se dit ouverte à renégocier. Libreville aussi, mais sous conditions : « Nous travaillerons à des nouveaux partenariats plus équitables, avec transformation locale obligatoire et création d’emplois », affirme le ministère de l’Économie bleue. À quand un « Brexit gabonais » version pêche ? En attendant, les thons de l’Atlantique peuvent souffler : leurs prédateurs européens devront peut-être bientôt chercher d’autres eaux… ou apprendre à négocier.