vendredi 20 juin 2025
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Le Rwanda quitte la CEEAC : Kigali joue (encore) la carte de la porte claquée 

Pour la deuxième fois depuis 2007, le Rwanda a annoncé son retrait de la Communauté Économique des États d’Afrique Centrale (CEEAC) lors du 26e sommet à Malabo, samedi 7 juin 2025. Officiellement, Kigali proteste contre le refus de lui accorder la présidence tournante et dénonce l’ »instrumentalisation » de l’organisation par la RDC. Derrière les griefs affichés, un cocktail de frustrations nationales et de rivalités sous-régionales se dévoile – avec l’inévitable arrière-goût de déjà-vu.

 

 L’affront protocolaire 

La présidence tournante, symbole de prestige dans les arcanes diplomatiques africains, cristallise le mécontentement rwandais. Kigali, qui l’a exercée en 2018, estime son tour  revenu – une revendication balayée sans ménagement.  Le gouvernement rwandais pointe une alliance « contre-nature » entre Kinshasa et « certains membres » (non nommés) de la CEEAC. Un procès d’intention qui sous-entend que l’organisation servirait de caisse de résonance aux griefs de la RDC contre son voisin. La CEEAC, souvent critiquée pour son inertie, trouve soudain une énergie remarquable… pour exclure plutôt qu’intégrer?.

Diplomatie de la tension contrôlée 

Le retrait s’inscrit dans un schéma récurrent depuis 2007 : Kigali utilise la rupture comme levier de négociation. Une tactique qui permet de :  rafraîchir son image d’État « insoumis » ; faire monter les enchères avant un éventuel retour ; occulter temporairement les critiques sur la gouvernance interne.

Avec ses 7% de croissance annuelle et son armée redoutée, le Rwanda supporte mal de voir son influence régionale contrecarrée par des voisins jugés moins performants.

La CEEAC, théâtre des guerres froides  

  Kinshasa, soutenu par l’Angola et le Congo-Brazzaville, aurait manœuvré pour isoler Kigali – notamment sur le dossier sensible de l’Est congolais, où l’ONU documente depuis des années des soutiens rwandais à des groupes armés.

Le jeu des alliances mouvantes  

L’incident révèle les fractures persistantes de l’Afrique centrale : les États côtiers (Gabon, Guinée Équatoriale) privilégient la stabilité ;   les « continental listes » (Tchad, RCA) cherchent des médiateurs ;

Le Rwanda, lui, regarde déjà vers la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC).  Dans cette partie d’échecs,

La CEEAC ressemble moins à un arbitre qu’à un échiquier. Pour de nombreux observateurs, Kigali accentuerait son ancrage dans l’EAC, où il partage avec le Kenya et l’Ouganda une vision plus libérale de l’intégration.  Le Rwanda opterait pour un statut d’ »observateur actif », négociant des accords bilatéraux sans contraintes multilatérales.

Reste une question : la CEEAC survivra-t-elle à ce nouvel épisode ? Probablement. Les organisations régionales africaines ont une qualité suprême : l’indestructible capacité à fonctionner… en état de mort cérébrale permanente.

 

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