Éditorial satirique : La grande migration des troupeaux politiques
La cérémonie de lancement officiel du parti présidentiel pourrait avoir lieu cette fin de semaine à Libreville. Un rendez-vous et une nouvelle occasion de retournement de vestes, parlons-en dans notre éditorial de la semaine sur Afrik Internews.
Par Ismaël Obiang Nze

Le bétail en costume-cravate
Chers lecteurs, à chaque veille d’élection en Afrique et particulièrement au Gabon, les savanes politiques africaines bruissent de sabots. Non, ce n’est pas la migration annuelle des gnous du Serengeti, mais celle, plus prévisible encore, des transhumants politiques — ces êtres hybrides mi-hommes, mi-opportunistes, qui traversent allègrement les frontières partisanes à la recherche du pâturage le plus verdoyant. Au Gabon, leur terre d’élection, ils ont même droit à une entrée dans le Petit Larousse : « Nom : personne qui quitte son parti pour adhérer à un autre, généralement au pouvoir ». Un art ancestral, désormais élevé au rang de sport national.
Le rituel de la transhumance, ou l’épopée des vestes retournées
Imaginez : un matin, un politicien déclare, micro en main : « Après une longue et profonde réflexion, j’ai donc pris, ce samedi 28 février 2015 la décision historique de quitter définitivement le Parti Démocratique Gabonais le PDG !» (René Ndemezo’o, 2015). Six ans plus tard, il réintégrait paisiblement les prairies présidentielles de… d’Ali Bongo. Magie ? Non, transhumance ! En l’espèce, le cas Ndemezo’o n’est qu’un exemple parmi tant d’autres
Le guide du parfait transhumant:
Étape 1 : Créer un « mouvement de circonstance » pour masquer la trahison. Un nom pompeux (mouvement pour la vérité temporaire) fera l’affaire.
Étape 2 : Invoquer l’« intérêt supérieur de la Nation » — formule magique qui transforme la lâcheté en acte héroïque.
Étape 3 : Filer vers le parti au pouvoir, sac de prébendes à la main, sous les huées d’un peuple qui, lui, n’a pas le luxe de changer d’opinion comme de chemise.
Épilogue : Et la démocratie dans tout ça ? Un élevage en péril
La transhumance n’est pas un crime, clament les adeptes : « Chacun a le droit de changer d’opinion ! ». Certes. Mais quand le « dialogue » rime avec « opportunisme », et l’« engagement » avec « chèque en bois », la démocratie se transforme en ferme des animaux.
Dernière nouvelle : Le Bénin pleure ses élus « bergers d’un genre nouveau, une calculatrice dans la tête » (François Awoudo). Au Cameroun, la presse satirique (Le Popoli) caricature ces nomades en quête de « pâturages ministériels».
Un modèle exportable ?
Chers transhumants, votre art est désormais un soft power africain ! Et si, pour la prochaine saison, on organisait les Jeux olympiques de la retournade ? Épreuves au programme :
- Saut de principe (hauteur variable).
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Lancer de promesses (sans viser le peuple).
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Marathon des vestes retournées (record à battre : 3 partis en 1 an) .
En attendant, le peuple, lui, garde les yeux secs et les urnes prêtes… à sanctionner les brouteurs trop gourmands.