vendredi 20 juin 2025
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Tribune/ Mbanié : Et si la paix avait l’éclat du sable ?

Cette interrogation qui annonce  la tribune de Michel Ndong Esso, analyste politique, propose à nos lecteurs  une analyse prospective du verdict  de la cour internationale de justice (CIJ) à  propos du  différend Gabon-Guinée Equatoriale sur l’Île Mbanié. Bonne lecture !     

 

Tribune de Miche Ndong Esso…

 

Michel Ndong Esso ©DR

L’histoire a parfois des ironies savoureuses. Imaginez : deux voisins se disputent un îlot sablonneux pendant des décennies, armés de cartes coloniales jaunies et de rancœurs bien entretenues. Puis, un jour, ils s’assoient, non pas pour un duel, mais pour partiser… un calumet. C’est un peu la scène surréaliste à laquelle nous convient le Gabon et la Guinée équatoriale, après l’épisode rocambolesque de l’île Mbanié.

Quand la Cour de La Haye revisite  le manuel colonial

 La décision de la CIJ, fondée sur un traité franco-espagnol de 1900, a le mérite de la clarté juridique… et l’inconvénient de réveiller les fantômes du passé. Comme si, pour trancher un différend du XXIe siècle, il fallait exhumer les grimoires des administrateurs coloniaux en képi et moustache cirée. Le verdict ? Mbanié à Malabo. Mais au passage, la Cour a involontairement offert au Gabon un coupon de rétrocession territoriale, façon « promotion spéciale décolonisation ». Mongo, Ebébiyin… et pourquoi pas un lot de consolation ?

L’absurdité de la situation tient en ceci : le droit international, aussi précis soit-il, ne résout pas tout. Il peut attribuer des îles, mais ne pas effacer les méfiances. Il peut dessiner des frontières, mais ne pas réécrire l’histoire. La preuve ? Après l’affaire Bakassi, le Cameroun et le Nigeria ont dû, malgré l’arrêt, négocier pied à pied pour éviter que le papier ne s’enflamme sous les tensions réelles.

Le comité des sages : diplomatie ou thérapie de groupe ?

L’annonce d’un comité mixte gabono-équatoguinéen est une lueur d’espoir. Enfin, des experts vont pouvoir discuter… sans se lancer des dossiers à la tête. L’enjeu ? Transformer un héritage colonial en opportunité commune. Car Mbanié n’est pas qu’un tas de sable : c’est un symbole. Celui des frontières absurdes qui divisent des peuples frères, et celui de la nécessité d’en finir avec les querelles héritées d’une époque révolue.

Le vrai test sera de dépasser la logique du « gagnant-perdant ». La Guinée équatoriale a gagné l’île, mais perdra-t-elle la confiance du Gabon ? Libreville pourrait réclamer des territoires au nord, mais à quel prix ? La solution réside peut-être dans une approche pragmatique : et si Mbanié devenait une zone de coopération économique, plutôt qu’un trophée géopolitique ?

L’Afrique face à ses frontières : l’humour comme arme de paix

  Georges Ibrahim Tounkara, journaliste Ivoirien, travaillant pour la Deutsche Welle en Allemagne  l’a bien résumé : «les frontières de la discorde » sont un cadeau empoisonné de la colonisation. Mais après soixante ans d’indépendances, il est temps de tourner la page avec élégance – et un brin d’autodérision.

Alors, Messieurs Obiang Nguema et Oligui Nguema, pourquoi ne pas organiser une rencontre symbolique sur Mbanié ? Pas pour y planter des drapeaux, mais pour y partager un café (ou un calumet, au choix). L’image serait forte : deux dirigeants marchant main dans la main sur le sable, là où d’autres voyaient une ligne de fracture.

En somme, l’histoire retiendra peut-être que Mbanié, après avoir été un sujet de discorde, aura finalement rapproché deux nations. À condition, bien sûr, que la diplomatie l’emporte sur les vieux démons. Et si la paix brillait enfin, comme les grains de sable sous le soleil équatorial ?

                                                                        …Analyste politique

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