dimanche 19 octobre 2025
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Sommet alimentaire ONU : Addis-Abeba Brille, le Nord Nigeria crève (de Faim)

Alors que les limousines climatisées déposent délégués et ministres coiffés devant le centre des congrès flambant neuf d’Addis-Abeba, un doux parfum d’espoir (et de petits fours) flotte dans l’air éthiopien. Bienvenue au deuxième Sommet Mondial des Systèmes Alimentaires de l’ONU ! Co-organisé par l’Éthiopie et l’Italie, ce grand raout international a un objectif noble : faire le point sur son ambitieuse promesse de 2021 : éradiquer la faim sur Terre d’ici 2030. Ambition, quand tu nous tiens.

Un bilan ? édifiant ! (dans le sens « on a tout raté »)

Quatre ans après les discours vibrants de Rome, le constat est… comment dire ? stimulant. Un véritable catalyseur d’opportunités nutritionnelles, pour parler onusien. Preuve de cette dynamique irrésistible : le nord-est du Nigeria, situé à seulement… quelques milliers de kilomètres et une abyssale fracture géopolitique au sud d’Addis-Abeba.

Là-bas, dans une indifférence quasi cosmique, 31 millions d’êtres humains – dont 17 millions d’enfants aux ventres gonflés et aux regards vides – luttent quotidiennement contre la malnutrition la plus brutale. Une « crise alimentaire sans précédent », disent pudiquement les rapports qu’aucun délégué ne semble avoir emporté dans sa mallette en cuir fin. Une « insécurité alimentaire » si profonde qu’elle sert de terreau fertile au recrutement des groupes jihadistes locaux, menaçant de faire imploser toute la région. Un détail sans doute, un simple « défi opérationnel contextuel » à ajouter à l’ordre du jour… entre le café et la session sur l’agroécologie.

Addis-Abeba : ode à la bonne conscience (et aux buffets)

Pendant ce temps, à Addis, l’atmosphère est studieuse et déterminée. Les ateliers s’enchaînent,  innovation dans la chaîne de valeur alimentaire durable : On parle blockchain pour tracer la laitue bio, tandis qu’au Nigeria, on trace les convois humanitaires attaqués. Des discours passionnants sur l’accès au microcrédit, face à des paysans nigérians chassés de leurs terres par la violence. « Résilience face aux chocs climatiques » : On évoque élégamment la sécheresse, en sirotant de l’eau minérale importée, tandis que la même sécheresse, couplée à l’horreur humaine, tue à petit feu des millions de voisins africains. Le contraste est saisissant, presque artistique. Une véritable performance d’ironie géopolitique en direct. Les buffets du sommet, eux, débordent – une métaphore involontairement parfaite de l’écart abyssal entre le dire et le faire, entre les salles climatisées et les enfers terrestres.

2030 ? Objectif réajusté (vers l’infini et au-delà)

Quand en est-il de  cet objectif d’éradication de la faim pour 2030 ? Les participants, visiblement animés d’un optimisme chevronné, vont sans doute « réaffirmer leur engagement ferme ». Ils parleront de « feuilles de route révisées », de « mobilisation accrue des partenariats public-privé » et de « mécanismes de financement innovants ». Un langage aussi rassurant qu’impuissant face à l’ampleur de la catastrophe qui se joue en temps réel sous leurs yeux, mais hors de leur vue directe.

La conclusion s’impose, aussi amère que le goût de l’échec : le principal système alimentaire qui fonctionne à plein régime, c’est celui qui nourrit les sommets internationaux eux-mêmes. Un système bien huilé de déclarations, de promesses, de bonnes intentions et de canapés au saumon. Pendant que l’autre système, le réel, celui qui est censé nourrir les humains, produit des charniers à ciel ouvert comme au nord-est du Nigeria.

Rendez-vous au prochain sommet, sans doute dans un autre lieu tout aussi symbolique et éloigné des réalités affamées. Peut-être pourrons-nous alors viser 2050 ? L’horizon recule au fur et à mesure que les ventres crient. Bravo la gastronomie diplomatique !

 

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