jeudi 17 juillet 2025
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Sauvetage en mer : l’Allemagne découvre l’étonnante efficacité de la « politique de la chaise longue »

Dans un coup de génie stratégique aussi subtil qu’un rouleau compresseur dans une porcelaine, l’Allemagne vient d’annoncer la fin de son soutien financier aux ONG qui sauvent des vies en Méditerranée et ailleurs. Objectif affiché ? « Rationaliser » sa politique migratoire. Autrement dit, elle entend  optimiser sa  compta en laissant les autres gérer le sale boulot – ou plutôt, en ne gérant plus rien du tout.

Le Contexte (ou l’art de regarder ailleurs avec élégance) 

Rappel des faits : depuis des années, des navires affrétés par des citoyens téméraires (des « idéalistes » diront certains, des « empêcheurs de laisser-couler-en-rond » pour d’autres) arpentent les eaux internationales. Leur crime ? Répondre aux appels de détresse, repêcher des hommes, femmes et enfants en train de se noyer – une activité décidément très mal vue dans certains cercles politiques européens. Berlin, jusqu’ici, mettait un peu d’argent (une paille dans son budget) pour que ces missions puissent continuer. Erreur de jeunesse, manifestement.

La décision : La « realpolitik » version kit de plage :

Exit les subsides ! Le ministère des Affaires étrangères allemand a donc décidé de couper le robinet. Motif officiel probable : « Soutenir ces sauvetages crée un appel d’air. » (Notez cette expression magique, aussi scientifique qu’un sortilège). La réalité moins avouable ? Cela évite de froisser des partenaires comme l’Italie ou Malte qui râlent, cela calme l’électorat d’extrême droite local, et surtout, cela permet de se draper dans une vertu toute neuve : celle de la fermeté responsable. Après tout, pourquoi payer pour sauver des gens quand on peut financer des grillages plus solides ou des accords douteux avec des pays tiers ? C’est bien plus structurel.

L’argument imparable : « C’est pour leur bien, voyons ! » (Si, si) 

La rhétorique est rodée : « Les ONG encouragent les passeurs ! ». Un raisonnement implacable : si personne n’est là pour repêcher les victimes de ces criminels, alors… plus personne ne tentera la traversée ! Logique imparable, digne d’un enfant de 5 ans découvrant la causalité. On pourrait aussi appliquer cette brillante idée aux pompiers : supprimons-les, et les pyromanes disparaîtront ! Génial.

Les conséquences prévisibles (mais chut, il ne faut pas être pessimiste)

Pour les ONG : moins de carburant, moins de matériel, moins de navires. Ceci suppose : moins de capacités à sauver des vies et une  « rationalisation » mortifère. Pour les migrants : des chances de survie encore plus réduites dans ce qui reste le cimetière maritime le plus meurtrier du monde. Mais bon, comme dirait l’autre, « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde » (sous-entendu : surtout si elle est noyée avant d’arriver, problème réglé). Pour l’Allemagne : une ligne budgétaire en moins, un problème moral en plus. Mais un beau signal envoyé aux alliés : « Regardez comme on est dur, nous aussi ! ». La course au fond est ouverte.

Le Cadre Européen : Le navire « Europe » prend l’eau… et saborde les canots de sauvetage :

Cette décision allemande s’inscrit dans une tendance lourde : l’externalisation des frontières, le financement de garde-côtes libyens peu regardants, la criminalisation des sauveteurs. L’Europe forteresse se barricade, quitte à laisser ses valeurs humanistes se noyer en chemin. Berlin, souvent présenté comme un « leader » moral, emboîte simplement le pas à une politique du pire déjà bien engagée ailleurs. Quelle vision !

Bravo, l’Allemagne ! Vous venez de franchir une nouvelle étape dans la « gestion rationnelle des flux migratoires ». En retirant votre soutien aux sauveteurs civils, vous faites un choix clair : celui de laisser faire la mer. C’est économique, c’est politique, c’est même électoralement rentable à court terme. C’est surtout une capitulation morale historique, masquée sous un jargon administratif. L’Europe respire : une conscience en moins à nourrir, une ligne budgétaire en plus à cocher. Propre. Très propre. Et terriblement vide.

 

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