vendredi 18 juillet 2025
À la uneAfrikEco

Puma Energy en Afrique : Le « rugissement » stratégique d’un félin bien connecté  

Acte I : Ouattara, le dompteur de puma (ou l’art de recycler les carnets d’adresses)  

Ben Hassan Ouattara, fraîchement promu patron de la branche africaine de Puma Energy, incarne la success story à l’ivoirienne. Après un passage chez Shell où il gérait « l’approvisionnement maritime africain » (traduction : éviter que les tankers ne jouent à cache-cache avec les pirates), puis un tour de piste chez Vivo Energy, le voilà chargé de faire rugir Puma sur le continent. Sa mission ? Relancer la croissance avec un nouveau plan « continental ». Traduction : achetez tout ce qui ressemble à une station-service, surtout si elle appartient à un État. Preuve en Côte d’Ivoire, où Puma vient de s’offrir 37 stations Petroci sur un coup de fil en Conseil des ministres. Le hasard fait bien les choses : Ouattara sait visiblement négocier… avec les Ouattara.

Acte II : Trafigura, l’ombre bienveillante (et majoritaire)

 Derrière le « puma », un tigre guette :Trafigura, propriétaire à 90% du groupe . Le négociant genevois, jamais à court de contrats opaques, muscle sa filiale sans scrupules. Preuve de son « engagement africain » : une valse des actionnaires où un général angolais retraité, Leopoldino Fragoso do Nascimento, s’apprête à revendre ses 15% de parts à Trafigura d’ici fin 2025. Coïncidence ? Les amitiés africaines de Trafigura restent décidément… stratégiques.  « Energising Communities », clame la pub de Puma. Traduction libre : « On vend du carburant, mais avec un sourire et une certification éthique ! ». En témoigne leur récent label ISO 37001 (anti-corruption). Un cache-misère luxueux pour un groupe qui prospère dans des pays où les « commissions » font partie du paysage.

Acte III : La stratégie « rural service stations » (ou l’art de verdir le pétrole)

  Pour séduire les villages oubliés, Puma déploie son arme fatale : des stations-service rurales. Au Zambie, trois pionnières ont « révolutionné » l’accès à l’énergie. On imagine le paysan local, ravi de troquer sa brouette contre un plein d’essence à prix international. Puma promet 25 stations en trois ans… un frémissement face aux 670 stations déjà implantées en Afrique. Mais quel storytelling ! Ces oasis de bitume créeraient des emplois et « réduiraient la déforestation » grâce à… ta-da… des bouteilles de gaz ! Puma, sauveur écologique malgré lui ?

Acte IV : Les ambitions qui cognent (et les réalités qui claquent)  

L’objectif affiché ? Dominer le « downstream » africain (stockage, distribution, stations). Avec :

-76 000 m³ de stockage au Bénin,

-145 stations en Afrique du Sud,

– Des terminaux flambant neufs du Sénégal au Mozambique.

Pourtant, derrière l’écran de fumée, le terrain résiste :  

– Pénuries chroniques à cause de chaînes d’approvisionnement « fragiles » (euphémisme pour « on dépend de Trafigura »),

– Des infrastructures défaillantes (les routes ? Un concept abstrait),

– La concurrence des majors (TotalEnergies rit sous cape).

Le puma peut-il vraiment muscler l’Afrique ? 

Ouattara le sait : son plan repose sur un pari osé. D’un côté, Puma mise sur la diversification : Lubrifiants « premium » pour mines et cimenteries,  Solutions solaires pour industriels « verts » (ou soucieux de leur image), Boutiques Circle K dans les stations, pour transformer le pompiste en épicier.

De l’autre, l’ironie reste palpable : « Puma Energy veut “électrifier” les communautés… avec des énergies fossiles. Son modèle ? Vendre du gaz en bouteille aux villages sans électricité, tout en finançant des études sur les biocarburants. Le serpent se mord la queue, mais avec un label ISO. »

Alors que Ben Hassan Ouattara peaufine sa « stratégie continentale » depuis son hub de Johannesburg, Trafigura rachète discrètement les parts d’un général angolais. Pendant ce temps, en  Zambie, un paysan admire sa nouvelle bouteille de gaz estampillée Puma… en espérant que son champ ne soit pas exproprié pour construire le prochain terminal. Le développement africain a son félin : il rugit fort, mais chasse surtout pour son compte.

 

Laisser un commentaire