Comme chaque année Libreville rejoue « le jour d’après plastique »
Comme chaque Juin depuis des années, le Gabon célèbre religieusement sa semaine nationale de l’environnement. Édition 2025 : pédagogie, engagement et « diplomatie verte » contre le fléau plastique. Sur le terrain, les sacs et les bouteilles rebelles semblent pourtant ignorer le script officiel. Plongée ironique dans un rituel aussi immuable que… la pollution qu’il combat.
Ah, la douce mélodie du mois de juin au Gabon ! Le chant des oiseaux ? Non. Le bruissement des feuilles dans la brise ? Encore moins. C’est plutôt le crissement familier des sacs plastiques accrochés aux branches comme des décorations perpétuelles, accompagné par le cliquetis des bouteilles d’eau vides roulant joyeusement dans les caniveaux. Mais ne vous méprenez pas, c’est la semaine nationale de l’environnement ! Un événement aussi attendu que… la prochaine coupure d’eau dans la capitale. Et cette année, c’est du lourd : pédagogie, engagement citoyen, et même une touche de « diplomatie verte » On frémit d’excitation. Ou peut-être est-ce juste un sac plastique qui nous effleure la jambe ?
Le grand ballet des bonnes intentions
Ici le gouvernement, les ONG et quelques entreprises soucieuses de leur image (ou de leur taxe) enfilent leurs gants biodégradables – souvent pour une journée – et entament la chorégraphie sacrée. Ateliers de sensibilisation ? Check ! (avec des goodies en plastique, bien sûr). Opérations coup-de-poing de nettoyage de plages ou de marchés ? Check ! (photos officielles obligatoires avant que le vent ne redistribue les déchets). Discours enflammés sur l’urgence écologique ? Double check ! (prononcés devant des décors de fleurs… artificielles). La « diplomatie verte » claironne même des partenariats internationaux contre la pollution plastique. Formidable ! Les tortues marines doivent déjà rédiger des lettres de remerciements. En théorie.
Sur le terrain : la réalité, ce vieil ennemi
Mais trêve de cynisme… ou pas. Car à Libreville, dès que les banderoles vert pâle sont rangées et que les estrades sont démontées, la vérité crue ressurgit plus vite qu’un sachet « Maggi » dans une gouttière. Les kiosques continuent de servir le café dans des gobelets fins comme du papier à cigarette (mais bien moins biodégradables). Les marchés regorgent de sachets offerts avec la générosité d’un père noël pollueur. Et les rues ? Elles restent ce musée à ciel ouvert de l’art contemporain plastique post-consommation, où les œuvres (sachets, bouteilles, emballages divers) se renouvellent spontanément chaque jour. Quelle vitalité artistique ! Les citoyens, eux, semblent appliquer à la lettre un principe de « dissémination responsable » : « Un déchet par terre = un emploi pour le nettoyeur hypothétique de demain ».
L’ironie suprême : le plastique, ce vainqueur modeste
Le plus savoureux dans cette comédie annuelle ? L’inébranlable résilience du plastique face à nos velléités. Il survit aux discours, ignore les ateliers, se moque des chartes et des promesses. Il est l’invité permanent, indélogeable, de notre quotidien. Pendant que nous débattons de « l’économie circulaire » et de « l’empreinte carbone du polyéthylène », lui, silencieux et persistant, colonise les mangroves, étouffe les poissons et danse dans le vent en attendant la prochaine saison des pluies. Un véritable maître du jeu, qui doit sourire en voyant nos « opérations ponctuelles ». *Chapeau bas, Monsieur Plastique. Vous méritez un trophée… en matériau recyclé, bien entendu.*
Pourquoi ces campagnes restent (Malgré Tout) essentielles : la piqûre de rappel sérieuse
Bon, assez ricané. Car sous le ton satirique perce une vérité inconfortable : ces campagnes, si perfectibles et parfois hypocrites soient-elles, sont vitales. Elles sont le sparadrap sur une jambe de bois, oui, mais un sparadrap nécessaire. Sans ces semaines de l’environnement, sans ces cris d’alarme répétés, sans ces (trop rares) actions de terrain, la catastrophe serait encore plus visible. Elles maintiennent la question à l’agenda, elles touchent (un peu) les consciences, elles forment (timidement) la jeunesse. Elles rappellent qu’il existe des alternatives, des lois (même peu appliquées), et une urgence absolue. Le problème n’est pas la sensibilisation elle-même, c’est son manque de continuité, de moyens coercitifs et de changement systémique. On ne combat pas une marée plastique avec une cuillère en bois une semaine par an. Il faut des interdictions strictes appliquées (adieu sachets fins !), des alternatives accessibles et abordables (paniers tressés, contenants réutilisables), une gestion des déchets digne de ce nom, et une éducation qui dure plus de 7 jours.
Rira bien qui rira le dernier…
Alors oui, rions de ce rituel un peu absurde où, chaque juin, Libreville joue à « faire semblant » que la pollution plastique est une bataille gagnée en une semaine. Rions de cette « diplomatie verte » qui semble si loin des tas d’ordures du carrefour Mindoubé. Mais n’oublions pas l’essentiel : le vrai ridicule serait d’abandonner. Ces campagnes, si elles ne sont qu’un début clopinant, plantent une graine. À nous de la faire pousser le reste de l’année, par nos choix, nos pressions et notre refus du statu quo. Parce que si rien ne change, le dernier à rire sera… ce sac plastique qui viendra nous narguer dans 50 ans, intact. Et ça, ce n’est pas une blague.
Note de la rédaction :Cet article, bien que sarcastique, soutient pleinement l’objectif de réduction des déchets plastiques. La critique porte sur l’inefficacité des approches actuelles, pas sur le but ultime. Agissons, 365 jours par an.