vendredi 20 juin 2025
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Assainissement urbain à Libreville : le grand ménage aux bulldozers 

Après une « sensibilisation » aussi longue qu’un feuilleton télénovela (dix ans d’indemnisations en goutte-à-goutte), l’État gabonais a lancé sa campagne d’assainissement urbain. Objectif officiel : construire des administrations, des bassins anti-inondations et fluidifier la circulation. Résultat concret à Plein Orety et Kalikak  par exemple : des vies réduites en gravats.

Le ministre des travaux publics, Edgar Moukoumbi assure que « force restera à la loi ». Traduction pour les habitants : les pelleteuses, elles, ne connaissent pas la trêve. Retour sur une crise annoncée. Depuis les années 2000, Libreville croule sous les défis : gestion défaillante des déchets malgré les 5,7 milliards FCFA investis dans la SOVOG, expansion anarchique des quartiers sous-intégrés, et des inondations récurrentes liées à l’engorgement des bassins versants. Un terrain miné pour les autorités.

Devant les ruines de son bar « Chez Rosalie », un tablier encore noué sur une robe colorée,  Rosalie est comme beaucoup d’autres victimes pourtant prévenues, surprise par le début de l’opération.

« Ils disent qu’ils luttent contre les inondations… Moi, c’est ma source de revenus qu’ils ont inondée sous les bulldozers ! »Elle ajoute, voix brisée :  « J’avais employé trois jeunes du quartier. Maintenant, on est

©Afrikinternews

tous au chômage… et toujours sans relogement. »

 Assis sur un matelas, Philippe, 65 ans, semble sous le choc à côté d’un album photo épargné de justesse

« L’État veut construire des administrations ? Ils ont surtout administré une leçon de dénuement ! »  Le regard las, il feuillette l’album : « J’ai grandi ici. Ma case, c’était la mémoire de Plaine Orety. »

L’État gabonais peut se féliciter : les bidonvilles de Libreville  seront  désormais « assainis ».  Entre urgence écologique, bombe sociale et rêve de modernité, Libreville incarne le dilemme gabonais : peut-on bâtir une vitrine sans casser le miroir des précaires ? Le mandat d’Oligui Nguema écrit déjà  la réponse. »

 

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