dimanche 19 octobre 2025
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Gabon : Après 10 ans de combat, les victimes d’une pyramide de Ponzi historique obtiennent justice

La Cour de justice de la CEMAC condamne l’État gabonais et la COBAC pour leur responsabilité dans le scandale BR SARL, une escroquerie à 50 millions d’euros ayant ruiné 18 000 épargnants.  

C’est l’épilogue d’une décennie de lutte judiciaire. Près de 18 000 épargnants gabonais, spoliés par l’effondrement en 2015 de la microfinance BR SARL promettant frauduleusement 43% de rendement en trois mois – viennent d’obtenir une victoire historique. La Cour de justice de la Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) a en effet déclaré recevable leur recours en révision, condamnant solidairement l’État gabonais et la Commission Bancaire d’Afrique Centrale

(COBAC) ce 10 juillet 2025.

Un verdict qui fait voler en éclats un précédent rejet de leur plainte en 2021. Les victimes, abandonnées par les autorités pendant dix ans, ont finalement fait pencher la balance en révélant des faits nouveaux accablants : absence d’agrément COBAC pour BR SARL, fraudes fiscales systémiques et production de faux documents par la microfinance.

©Capture d’écran Afrikinternews

Le mécanisme d’une hécatombe financière  

Pendant quatre ans, BR SARL  pompeusement baptisée   « Bâtisseur de Richesse » a siphonné l’épargne des Gabonais avant de fermer brutalement ses portes en octobre 2015, invoquant de prétendus « dysfonctionnements ». En réalité, l’entreprise reposait sur un schéma pyramidal de Ponzi classique : les rendements mirifiques versés aux premiers investisseurs étaient financés par les dépôts des nouveaux entrants. L’implosion fut totale : 50 millions d’euros évaporés, plongeant des milliers de familles dans la détresse, voire la mort selon les associations de victimes.

Un combat mené par les laissés-pour-compte  

À l’avant-poste de cette bataille juridique, Emmanuel Mvé MBA, président du Mouvement Citoyen des Volontaires des Libertés (MCVL), a annoncé la victoire lors d’une convention nationale, déclenchant une salve d’applaudissements : « La Cour a jugé notre recours recevable et condamne solidairement la COBAC, l’État gabonais et le Comité National Économique et Financier. C’est la victoire du Collectif des Actionnaires et Plaignants (CAP) après dix années d’abandon ! »

Dans l’ombre de ce combat, des drames humains. Joseph Ndongo, 65 ans, comptable dans les forces de sécurité, témoigne : « Mes 40 millions de FCFA – économies de toute une vie, primes et loyers – ont disparu. BR SARL promettait le doublement des placements… Un matin, la presse a annoncé leur faillite. Tout est parti en fumée. »

Brandissant ses bordereaux de versement, l’homme hypertendu évoque des années de dépression – un calvaire partagé par des milliers d’autres victimes.

Vers une réparation enfin tangible ?

  La Cour de la CEMAC a enclenché la phase ultime : l’enrôlement des épargnants spoliés est ouvert du 23 juillet au 30 octobre 2025, en vue de l’audience finale du 10 novembre. Cette procédure ouvre la voie au remboursement des fonds perdus, majorés de dommages et intérêts, à la charge de la COBAC, du comité national financier et économique et de l’État gabonais.

  Ce verdict sonne comme un désaveu cinglant pour les régulateurs financiers et l’administration gabonaise, accusés de laxisme mortifère. Si la décision de novembre 2025 confirme la condamnation, elle établira un précédent crucial en Afrique centrale : les États et institutions de contrôle pourront désormais être tenus pour co-responsables des dérives des établissements financiers fantômes. Pour les victimes, c’est l’espoir enfin  de tourner la page d’une décennie de désespoir.

 

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