vendredi 18 juillet 2025
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Le Théâtre des victoires : quand la guerre spectacle rencontre le cessez-le-feu opportuniste

À en croire une certaine presse occidentale, les derniers échanges de missiles entre Israël et l’Iran auraient donné lieu à une nouvelle « victoire éclatante » de Tsahal. Pourtant, avec l’entrée en vigueur rapide d’un cessez-le-feu tacite – tacitement approuvé par Washington –, le Président iranien Ebrahim Raïssi a lui aussi brandi l’étendard de la victoire. Dans ce ballet bien réglé où chacun campe le rôle du triomphateur, qui donc a vraiment gagné ? Et surtout… qui a perdu ?

Une Escalade Calculée

L’attaque sans précédent de l’Iran (300 projectiles, drones et missiles) répondait à la frappe israélienne contre son consulat de Damas. Israël a répliqué de manière ciblée sur le sol iranien. Puis, miracle : les deux ennemis jurés, par un subtil jeu de canaux diplomatiques (Oman, Qatar, États-Unis), ont éteint l’incendie avant qu’il ne ravage tout. Une escalade fulgurante… et soudainement contenue.

L’étrange cessez-le-feu et les victoires autoproclamées :

Côté Israélien : la médaille est facile à accrocher. Grâce à une coalition internationale (États-Unis, Royaume-Uni, France, Jordanie…) et à son système de défense Iron Dome/David’s Sling, Tsahal affirme avoir intercepté 99% des projectiles. Victoire défensive totale ! Les médias occidentaux ont largement relayé ce récit, saluant l’efficacité et la « maîtrise ».

Côté Iranien : le Président Raïssi clame une victoire stratégique. L’Iran a restauré sa « dignité » en frappant directement le territoire israélien – une première – sans déclencher de guerre totale grâce à une riposte israélienne volontairement limitée. Pour Téhéran, la démonstration de force est faite, la dissuasion rétablie, et le régime sort grandi aux yeux de son « Axe de la Résistance ». Victoire politique !

La Réalité des Faits : les dégâts matériels directs furent minimes des deux côtés. Aucune escalade majeure. Le statu quo antérieur  est rapidement revenu. Le cessez-le-feu n’est pas une paix, mais un retour à l’hostilité contenue d’avant le 1er avril (frappe de Damas).

 Le grand guignol des victoires

Les médias occidentaux : dans leur empressement à couronner Israël, certains ont transformé une défense réussie (indéniable techniquement) en une victoire militaire écrasante sur l’Iran. Comme si intercepter des drones revenait à marcher sur Téhéran… Un récit parfois simpliste, voire complaisant, qui occulte la nature complexe de l’équilibre de la terreur régionale et le rôle crucial de la dissuasion américaine. Les Proclamations de Raïssi : Son discours victorieux est un chef-d’œuvre de realpolitik théâtrale. Transformer une riposte israélienne calibrée pour éviter l’escalade (et probablement exigée par Washington) en preuve de la lâcheté ou de la faiblesse de l’ennemi relève de la gymnastique rhétorique. Mais c’est efficace pour le public interne et régional. Le vainqueur invisible : le vrai gagnant  de cet épisode pourrait bien être… l’évitement d’une guerre régionale. Les États-Unis, en retenant fermement Israël d’une contre-attaque massive, ont préservé leurs intérêts. Le cessez-le-feu est une défaite pour ceux qui rêvaient d’un embrasement généralisé.

Les grands perdants (Toujours les mêmes) : Au milieu de ce théâtre où chacun jubile, un silence assourdissant entoure les civils palestiniens de Gaza. Pendant que les grandes puissances jouaient avec le feu nucléaire, les bombardements et la famine se poursuivaient implacablement à Rafah et ailleurs. Leur calvaire, lui, ne connaît aucun cessez-le-feu médiatisable. . L’épisode israélo-iranien a même détourné l’attention de la tragédie en cours.

Le cessez-le-feu israélo-iranien n’est pas la victoire de l’un sur l’autre, mais une reconnaissance mutuelle des risques insensés d’une guerre ouverte. C’est une victoire de la réalpolitik et de la peur partagée. Les médias occidentaux ont parfois cédé à la facilité du récit héroïque israélien, minimisant la portée symbolique de la frappe iranienne et les calculs complexes derrière la retenue israélienne. Quant au Président Raïssi, son discours victorieux est avant tout un outil de propagande interne et régionale, masquant mal que l’Iran aussi a reculé au bord du précipice. Le seul triomphe tangible est celui de l’apaisement immédiat… pendant que l’incendie continue de couver ailleurs, loin des projecteurs braqués sur ce duel de prestige. La vraie guerre, celle qui tue chaque jour des innocents dans l’indifférence croissante, se poursuit à Gaza. Et là, personne ne peut sérieusement parler de victoire.

 

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