lundi 22 décembre 2025
AfrikReportages

L’affaire BR Sarl devant le tribunal de commerce : le jour du verdict approche pour les banques accusées

Le 30 décembre 2025, le tribunal de commerce de Libreville rendra son délibéré dans un scandale qui a ruiné des milliers de Gabonais. Les avocats des victimes ciblent désormais la responsabilité des établissements financiers. L’audience du 9 décembre au tribunal de commerce de Libreville a marqué un tournant décisif dans l’affaire BR Sarl, ce vaste système d’escroquerie aux épargnants dont les plaies restent béantes depuis des années. Alors que les principaux responsables de la structure ont disparu, la justice se penche désormais sur le rôle crucial des banques partenaires : UBA, Ecobank et Orabank. Le verdict, attendu pour le 30 décembre prochain, pourrait établir une jurisprudence majeure sur les obligations de vigilance des établissements financiers.

 

Des milliers d’épargnants gabonais, parfois ruinés, attendent ce jugement comme l’ultime recours. « Le 30 décembre, c’est le jour final pour nous », déclare Prince Mombo, à la tête du collectif des épargnants, appelant à une mobilisation générale ce jour-là, tant sur le territoire national qu’à l’étranger.

Le cœur du procès : la « négligence coupable » des banques

Lors des récents débats, l’accusation a radicalement changé de focale. Les avocats des parties civiles ne se contentent plus de poursuivre les fantômes de BR Sarl. Ils attaquent frontalement les banques commerciales, accusées d’avoir été les facilitateurs inconscients ou complaisants de l’escroquerie. Leur thèse : sans les circuits bancaires, le système n’aurait pu prospérer aussi longtemps et à une telle échelle.

« L’État avait écrit à la Commission Bancaire d’Afrique Centrale (COBAC) pour signaler que BR Sarl n’avait jamais été légalement constitué », rappelle Emmanuel Mvé Mba , figure centrale du combat juridique. « La question fondamentale est : comment ces banques ont-elles pu laisser prospérer cette escroquerie sous leurs yeux, au mépris des signaux d’alerte les plus élémentaires ? »

Une affaire aux ramifications multiples : de la fraude au blanchiment ?

Le Collectif des Associations pour la Paix et la Prospérité Économique (CAPPE), à l’origine de cette action en justice, va plus loin dans ses accusations. Son président allègue l’existence, derrière les flux financiers opaques, d’un mécanisme potentiel de blanchiment de capitaux, voire de financement d’activités illicites. Le « laisser-aller » des  banques prendrait, dans cette perspective, une dimension bien plus grave.

Ce dossier épineux, déjà examiné par la Cour de la Commission Économique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC), est donc de retour devant une juridiction nationale, mais sous un angle inédit. Une

décision contre les banques signifierait qu’elles ont manqué à leur devoir de contrôle et de signalement, ouvrant la voie à leur responsabilité civile.

Des divisions au sein des victimes face à une stratégie judiciaire agressive

Ce long combat judiciaire, mené sans relâche par le CAPPE depuis plus d’une décennie, n’est pourtant pas sans créer des tensions. Une frange des épargnants, découragée ou sceptique, met en doute la démarche de l’association. Une critique que réfute fermement Emmanuel Mvé Mba : « Il faut catégoriser les épargnants. Ceux qui ont porté plainte aux banques et à l’État sont ceux qui sont membres du CAPPE.  Le reste agit hors de notre cadre de combat et donc pas connu de notre fichier […] Nous sommes la première organisation à conduire la COBAC et l’État gabonais en justice à la CEMAC, et à conduire les banques commerciales devant le tribunal de commerce de Libreville. Et je suis sûr que nous allons gagner ce procès. »

Vers un dénouement historique ?

Le 30 décembre 2025 s’annonce donc comme une date charnière. Ce sera soit le point final d’une quête épuisante pour la justice, soit un nouveau coup dur pour des victimes qui n’ont déjà plus que l’espoir comme capital. Le tribunal de commerce de Libreville ne jugera pas seulement le passé d’une société fantôme ; il évaluera la solidité des garde-fous du système financier gabonais et, par extension, de l’espace CEMAC. La décision est attendue avec une intensité qui dépasse le seul cadre juridique pour toucher à la confiance des citoyens en leurs institutions.

 

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