dimanche 19 octobre 2025
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Vacances à Libreville : entre tresses et football, l’art détourné de l’oisiveté chez les jeunes 

Organiser les vacances scolaires relève du parcours du combattant pour les parents librevillois. Combler trois mois de congés avec seulement cinq semaines de liberté personnelle ? Mission impossible. Faut-il privilégier le repos, les cahiers de vacances, ou les petits boulots. 

Le travail ? À Libreville, où les centres de loisirs dignes de ce nom se comptent sur les doigts d’une main – avec des taux d’encadrement dérisoires et des activités souvent déconnectées des réalités –, la débrouillardise devient une solution. Et si les « petits boulots » étaient la nouvelle colonie de vacances ?

Un salon de coiffure, antichambre contre la débauche 

 

©Capture d’ecran Afrikinternews

Chez Rosine, propriétaire d’un salon de coiffure au quartier Nzeng Ayong, les vacances riment avec tresses et discipline. « Ma première fille vient souvent m’aider au salon. C’est sa distraction. C’est pour éviter qu’elle ne tombe dans tout et n’importe quoi : l’alcool et la débauche », explique-t-elle, le ton aussi ferme que ses nattes serrées. Une stratégie préventive transformant le lieu de travail en camp d’été anti-tentation.

Une logique que sa fille, Arcelia Ndombi, 16 ans et fraîchement admise en classe de première, semble avoir intégrée avec zèle. « Pendant les vacances, avant de sortir de la maison, je fais d’abord le ménage, lave la vaisselle, puis je viens ici pour m’occuper des clientes. Cette activité me permet aussi d’éviter les loisirs inutiles », lance-t-elle, styliste improvisée mais appliquée. Le tout sans sourciller : l’oisiveté, véritable ennemi public n°1, est tenue en respect par un aspirateur et un peigne.

Du ballon rond contre l’ennui : le football, refuge précaire 

Quelques kilomètres plus loin, sur la plage du Lycée, le décor change, mais le combat reste le même. Ici, pas de chaises de coiffure, mais des buts tracés à la va-vite dans le sable. Mathurin et ses amis ont élu ce terrain vague en « big matches » de vacances. « À nos heures perdues, nous sommes footballeurs. C’est pour ne pas traîner et perdre le temps à la maison à ne rien faire », clame l’adolescent. Le football comme exutoire face à l’ennemi invisible : l’inaction.

Parmi eux, Mbadinga, 16 ans lui aussi, partage cet élan… mais pas les illusions. « Il existe bien sûr quelques académies. Mais ça coûte un peu trop d’argent »*, regrette-t-il. Son appel est sans détour : * »L’État devrait en créer pour les rendre accessibles aux vacanciers sans moyens. Ça nous permettrait de mieux nous amuser ». Un vœu pieux dans une ville où les politiques jeunesses restent hors-jeu, comme si les décideurs confondaient « vacances utiles » et « vacances utopiques ».

Les vacances, école de la survie

À Libreville, les vacances scolaires sont un savant mélange d’économie informelle et de sport sauvage. Les enfants apprennent à tresser, balayer ou dribbler non par passion, mais par nécessité : fuir la débauche, l’oisiveté, ou pire… l’ennui. Les centres de loisirs ? Fantômes. Les académies de football ? Réservées à une élite. Pendant que Rosine transforme son salon en centre aéré low-cost et que Mbadinga rêve d’infrastructures publiques, l’État semble en congé prolongé. Et si la vraie « vacance utile » était celle des autorités, absentes du terrain ? En attendant, les adolescents librevillois auront au moins acquis une compétence précieuse : l’art de se débrouiller seuls. Un CV qui, décidément, commence tôt.

 

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