Mbanié : Après le verdict de la CIJ, Libreville cherche l’équilibre entre droit et diplomatie
Le 19 mai 2025, la Cour internationale de Justice (CIJ) a mis fin à cinq décennies de tensions entre le Gabon et la Guinée équatoriale en attribuant la souveraineté des îles Mbanié, Cocotiers et Conga à Malabo. Si le verdict est une défaite pour Libreville, il ouvre aussi une nouvelle ère de négociations, où le réalisme diplomatique pourrait l’emporter sur les rancœurs. Dans un contexte où les hydrocarbures et la stabilité régionale pèsent lourd, comment le Gabon peut-il transformer ce revers en opportunité ?
Un verdict fondé sur l’histoire coloniale, mais une porte ouverte aux compromis.
La CIJ a rejeté l’argument gabonais s’appuyant sur la Convention de Bata (1974), jugée invalide faute d’original retrouvé, et a retenu le traité franco-espagnol de 1900 comme seul titre juridique opposable. Pour le Dr Benga Ndjeme, juriste en droit international, « ce n’est pas parce qu’on perd trois îles qu’on n’a rien » : le Gabon récupère en contrepartie des zones frontalières terrestres près d’Ebebiyin et Mongomo.
Quelles marges de manœuvre pour Libreville :
- Négocier la délimitation maritime: La CIJ n’a pas statué sur les frontières en mer, laissant aux deux pays le soin de s’accorder sur un partage équitable des eaux riches en pétrole.
- Opter pour une cogestion économique : Une solution à la Bakassi (Nigeria-Cameroun) pourrait émerger : exploitation conjointe des ressources offshore, avec royalties partagées.
- Jouer la carte de l’apaisement* : Le président gabonais Oligui Nguema a promis des « discussions constructives », évitant ainsi une escalade tout en préservant les intérêts nationaux.Les enjeux cachés derrière les rochers : pétrole, souveraineté et realpolitik
L’or noir en ligne de mire : Les eaux autour de Mbanié abriteraient près de 743 millions de barils de réserves potentielles, un enjeu crucial pour deux pays dont les économies dépendent à 60 % des hydrocarbures.
Un test pour la diplomatie gabonaise : Après des décennies de gestion hasardeuse des archives (la fameuse photocopie de la Convention de Bata), Libreville doit désormais prouver sa rigueur dans les futures négociations.
Stabilité régionale contre fierté nationale: Comme le rappelle Guy Rossatanga-Rignault, avocat du Gabon à la CIJ, « nous ne sommes pas tenus de nous aimer, mais nous sommes tenus d’aimer le Gabon». Un appel au pragmatisme dans un dossier où l’émotion patriotique pourrait brouiller les cartes.
Hypothèses d’avenir : entre concessions et opportunités
- Scénario gagnant-gagnant : Un accord de joint-venture sur l’exploitation pétrolière, avec compensation financière ou accès gabonais à d’autres blocs offshore.
- Scénario de tension latente : Si Libreville durcit le ton (comme certains internautes le réclament : « Annexer Mbanié par la force ! » ), les investisseurs pourraient fuir une zone perçue comme instable .
- Scénario de l’intégration régionale : La CEMAC pourrait servir de cadre à une médiation élargie, transformant la crise en levier de coopération.
- Le droit a parlé, place à la diplomatie
Le verdict de la CIJ n’est pas une fin, mais un nouveau chapitre. Pour le Gabon, l’enjeu est désormais de négocier sans perdre la face, et pour la Guinée équatoriale, de gérer sa victoire sans humilier son voisin. Dans cette équation complexe, une chose est sûre : comme le disait un diplomate sous couvert d’anonymat, « dans le golfe de Guinée, le pétrole coule plus facilement que la rancœur… à condition de bien ouvrir les vannes du dialogue.
Après tout, si les deux pays ont survécu à 50 ans de querelles insulaires, ils peuvent bien s’accorder sur un cocktail offshore – avec ou sans olives… mais toujours avec des royalties.
Sources complémentaires à l’article: BBC, FRANCE24 ET GABONREVIEW