Catherine Mba, la dernière gardienne du Gabon, s’est éteinte
Elle s’en est allée dans le silence de la nuit, discrète jusqu’au bout, emportant avec elle un siècle de souvenirs et les secrets fondateurs d’une nation. Catherine Mba, née Moret, la dernière veuve du président Léon Mba, a tiré sa révérence dans la nuit du 9 au 10 novembre 2025, à l’âge de 107 ans. En elle, ce n’est pas seulement une femme qui disparaît, mais un chapitre vivant de l’histoire gabonaise qui se referme à jamais.
Son départ laisse un silence lourd de signification, une mélancolie qui transcende le chagrin personnel pour toucher à l’âme collective du Gabon. Elle était le dernier lien charnel avec l’épopée des origines, la gardienne silencieuse des serments et des idéaux qui virent naître la République. D’une dignité qui semblait imprenable, elle incarnait une époque révolue où l’honneur et le devoir n’étaient pas de vains mots, mais une boussole morale.
Une vie en filigrane de l’histoire nationale
Née un 15 mai 1918, alors que le Gabon était encore un territoire colonial, elle a traversé le XXᵉ siècle en témoin privilégié. Elle a vu son pays se métamorphoser, assisté aux soubresauts de l’Histoire et choisi, en épousant Léon Mba, de lier son destin à celui de la nation. Quatrième épouse, elle fut surtout l’ultime compagne, celle qui resta dans l’ombre pour mieux incarner la fidélité absolue.
Là ou d’autres recherchent souvent les feux de la rampe, elle a toujours fui les fastes du palais présidentiel, préférant la simplicité d’une vie retirée. Un choix qui en disait long sur sa nature profonde : une force tranquille, une pudeur érigée en art de vivre. Et quand la mort emporta « le Père de la Nation » en 1967, elle fit le vœu d’un veuvage éternel, comme un ultime hommage, une loyauté qui défierait le temps lui-même.
L’ultime hommage d’une nation
En août 2024, une nation entière a pu lui dire merci. Fragile, mais le port encore altier, elle se tenait sur la tribune officielle pour le 64ᵉ anniversaire de l’indépendance. Sous les regards émus, le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, l’élevait à la dignité de Grand-Croix de l’Ordre de l’Étoile équatoriale. Ce jour-là, ce n’était pas une décoration qui était remise, mais la gratitude de tout un peuple à une femme qui, par sa seule existence, rappelait les promesses de l’aube.
« Elle représentait la loyauté et la paix », murmure un proche, dans un éloge funèbre à la mesure de la dame : sobre et puissant.
Aujourd’hui, le Gabon pleure plus qu’une femme. Il regarde s’éloigner l’ultime témoin de ses commencements. Catherine Mba s’est éteinte sans bruit, laissant derrière elle le souvenir lumineux d’une humble géante, dernier rempart d’une mémoire fondatrice. En elle s’éteint une flamme, mais son exemple, fait de silence, de force et de fidélité, continuera de veiller sur le Gabon, telle une douce et éternelle veilleuse.

